Chapitre 20 : L'armée d'Orion
- lorkhanponey
- 24 sept. 2017
- 17 min de lecture
Notre voyage jusqu’au village natal de Cro prit deux jours aller-retour. Permettez-moi de vous expliquer ce qui s’est passé pendant ce temps au château de Dragonlips. Cette partie du récit commence avec Zapar discutant avec Zelbe et Orsel. Ils cherchaient ensemble le meilleur moyen de faire parler leur prisonnier. L’un voulait utiliser la magie, l’autre préférait opter pour la torture physique et la dernière, contre toute attente, était prête à privilégier une approche plus diplomatique. Le maître du château, quant à lui, préférait ne pas prendre part à la conversation. Il se tenait à la sortie de la salle et observait le groupe devant lui. À les voir se disputer ainsi, on aurait dit qu’ils avaient perdu de vue leur objectif. Ils voulaient que le fils d’Orion parle, qu’il dévoile l’endroit où se trouvait Malie, mais quelque chose dans leur propos donnait l’impression qu’ils voulaient uniquement le faire souffrir, pour se venger. Dragonlips connaissait très bien ce regard, en particulier celui qu’arborait le prêtre Zapar, car c’est le même regard qu’il avait vu si souvent chez son propre père. Après une dizaine de minutes, la conversation se dirigea une fois pour toutes vers une approche plus physique de l’interrogatoire. Heureusement pour le guerrier, il fut distrait par un de ses soldats venant lui présenter un message qu’il venait juste de recevoir. Ils s’éloignèrent tous deux de la salle pour en discuter : «Quand arriveront-ils ?
Whitehalf dit qu’ils seront là dans deux jours, au coucher du soleil. Devons-nous nous préparer à leur arrivée ?
Non, nous risquerions de l’alerter. Brûle le message et n’en parle à personne d’autre.»
Dans sa cellule, le fils d’Orion attendait. Il savait très bien que ses geôliers allaient revenir, et qu’ils essaieraient de le faire parler d’une manière ou d’une autre. Il observa à travers le petit trou qu’il avait fait dans le mur. Sa prison était faite de telle sorte qu’il était impossible d’utiliser la magie, mais ça ne l’empêchait pas de creuser. Il vit un homme au loin, plus exactement il vit une silhouette qu’il supposa être celle d’un homme. Il esquissa un sourire. Derrière lui, la porte de sa cellule s’ouvrit brutalement, le métal claquant violemment contre le mur. Orsel entra et le plaqua brutalement contre le mur, ses pieds suspendus à dix centimètres du sol. Elle fit ça pour le surprendre et continua à serrer sa gorge pour l’empêcher de respirer. Une fois suffisamment affaibli, elle le traîna jusqu’à une autre pièce beaucoup plus sombre. Aux murs étaient accrochés diverses chaînes. Disposés judicieusement dans la salle, nombre d’instruments de torture tous plus terrifiants les uns que les autres semblaient attendre une victime. À n’en pas douter, le père de Dragonlips s’était servi de chacun de ces outils autant pour endurcir son propre fils que pour faire parler les démons les plus récalcitrants. Tout le groupe était là, observant la scène alors qu’Orsel accrocha le supplicié à des chaînes situées au centre de la pièce. Lorsqu’elle eut fini, le fils d’Orion se balançait légèrement, suspendu de nouveau au-dessus du sol. Il observait ses bourreaux. Jack faisait tout pour éviter le contact visuel, il était clair qu’il n’était pas d’accord avec ce qui allait se passer. Dragonlips était mal à l’aise, cette pièce tout entière lui rappelant la folie de son père qu’il avait dû tuer de sa propre main. Il ne pouvait s’empêcher de fixer les fouets encore tachés de son sang d’enfant. Orsel avait une expression de férocité, elle qui changeait normalement très souvent de sexe demeurait sous sa forme masculine. Dominant les personnes présentes de par sa taille. Zelbe, malgré sa nature de démone, ne semblait pas se réjouir à l’idée de torturer un être humain pour obtenir des informations. Mais Zapar l’avait convaincu de la justesse de son projet. Le prêtre d’ailleurs n’avait que de la détermination dans son regard, comme s’il justifiait ses actions par la noblesse de son but.
Malgré sa situation, le fils d’Orion ne put s’empêcher de rire : «Voyons voir, pourquoi donc est-ce que le gamin n’est pas là ? Et le chasseur alors ? Ne font-ils pas partie de votre petit groupe ?
Ils sont occupés ailleurs, expliqua Zapar, et ils n’ont aucun besoin de prendre part à ce qui va se passer ici.
Bonne idée, ils pourraient te voir sous ton vrai jour. Est-ce qu’ils te suivraient toujours s’ils savaient jusqu’où tu es prêt à aller pour atteindre ton objectif.»
Le premier coup de fouet claqua dans la pièce, la tunique du fils d’Orion se déchirant sous la puissance de coup administré par Orsel. Du sang gicla de sa plaie toute fraîche, mais il n’émit aucun cri de douleur. Le deuxième coup suivit presque aussitôt, et cette fois encore il ne fit aucun bruit, grimaçant à peine sous la douleur. Le prêtre commença officiellement l’interrogatoire : «Je sais que tu penses agir pour le bien de tous, mais tu te trompes. Je déplore de n’avoir pas de meilleur moyen de te faire entendre raison, mais je ne peux pas attendre que tu te décides à nous parler. Je dois sauver Malie avant qu’il soit trop tard.
Malie n’a pas besoin d’être sauvée !»
Le visage impassible du fils d’Orion ne laissait rien paraître de la souffrance de sa chair. Mais il était prêt à subir autant de douleur que nécessaire pour protéger la dernière Epithy. La torture continua, mais Jack refusa de continuer à regarder. Il quitta le donjon, grimpant dans la plus haute tour pour s’éloigner au maximum de la scène. Dragonlips, mal à l’aise lui aussi, décida néanmoins de rester.
Du haut de sa tour, le baroudeur pouvait voir tout ce qui se trouvait autour du château. Que ce soit le village sur sa gauche, la forêt sur sa droite ou la colline directement en face de lui. Le bruit du vent, soufflant tranquillement dans les arbres, aurait apaisé n’importe qui. Pourtant Jack ne pouvait oublier le claquement du fouet. Sachant ce qui se passait en bas, sachant qu’il n’avait rien fait pour y mettre un terme. Dans le donjon, le fouet résonna brutalement dans toutes les pièces. La tunique du fils d’Orion n’était plus qu’un tas de lambeaux rouges, à l’image de son dos. Il pouvait à peine parler sous la douleur, mais il n’avait toujours pas fait le plaisir de hurler à ses bourreaux. Il n’avait pas non plus révélé l’endroit où se trouvait Malie, malgré l’insistance du prêtre : «On continuera comme ça pendant des jours s’il le faut, on t’empêchera de mourir jusqu’à ce que tu te décides enfin à parler. Est-ce que tu comprends ? Je ne reculerai devant rien pour te faire parler, rien !» Zapar accorda quelques instants à sa victime pour ouvrir la bouche, il s’apprêtait à faire signe à Orsel lorsqu’il entendit un son, un faible «je suis désolé.
Désolé ? répéta le prêtre, désolé de quoi ? ! Tout ce que tu dois faire, c’est me dire où est Malie.
Je parle à Dragonlips… Je t’ai donné plusieurs chances. Tu aurais pu mettre fin à tout ça à n’importe quel moment, mais tu as laissé faire. J’aurais pu les arrêter, mais maintenant c’est trop tard. Tout brûlera par ta faute.
De quoi parles-tu ? s’inquiéta le guerrier.»
Du haut de sa tour, le baroudeur pouvait voir une silhouette apparaître au sommet de la colline, puis une deuxième, puis des dizaines d’autres qui devinrent des centaines. C’était une armée, composée de géants, de monstres, d’hommes et de femmes. Tous semblaient se préparer à assiéger le château de Dragonlips. Dans le donjon, le fils d’Orion laissa échapper une larme unique : «Vous ne pensiez quand même pas que j’allais accepter de vous suivre, sans savoir exactement comment j’allais repartir ?» Jack regarda à l’intérieur du château, personne ne semblait avoir remarqué ce qui se passait. Il devait agir et vite. Il sauta dans le vide et se mit à courir à la verticale sur la tour augmentant considérablement sa vitesse. Avant de toucher le sol, il sauta pour atterrir dans une roulade absorbant complètement le choc de sa chute au milieu de la cour où il cria le plus fort possible : «AUX ARMES ! ON NOUS ATTAQUE !»
Le temps que Dragonlips sorte du donjon, son armée était déjà sur le pied de guerre et la terre tremblait sous la charge de leur ennemi. Le temps était compté avant la confrontation. Le guerrier savait que son château ne pourrait résister longtemps à un assaut frontal, en particulier si l’adversaire comptait dans ses rangs des magiciens. Se servant de son épée comme point d’appui sur le mur, il sauta d’un bond sur la muraille pour évaluer clairement la menace. Ce n’était pas des démons comme son armée avait l’habitude d’en combattre, c’étaient des hommes, des Drhots, des Nokmas et apparemment quelques géants. Contrairement aux bêtes que Dragonlips avait l’habitude de terrasser, ces ennemis-là agissaient de manière coordonnée, avec une stratégie et un objectif plus précis que de simplement détruire et brûler. Jack atterrit à côté de son nouvel ami, son épée déjà en main. Mais Dragonlips choisit de lui confier une mission : «Mes soldats ne les empêcheront pas longtemps d’entrer, tu dois aller prévenir Zapar et les deux autres. Si on veut avoir un quelconque espoir de gagner on aura besoin de leur puissance.
Et pour le fils d’Orion ?
Si on parvient à les maintenir en dehors du château, ils ne pourront pas le libérer.»
Le baroudeur partit en courant dans la direction des cachots, l’armée ennemie serait sur eux dans moins d’une minute.
Dans le donjon, Zapar usait de sa magie pour faire passer un courant électrique à travers le fils d’Orion, provoquant une douleur incommensurable. Mais celui-ci ne parlait toujours pas. Jack déboula dans la pièce, restant, quelques instants, choqué par le déchainement de violence dont était capable son ami. Mais le tremblement des murs lui rappela rapidement sa mission, il s’écria : «Dragonlips a besoin de nous en haut, seul il ne réussira pas à repousser l’ennemi.
Combien sont-ils ? Interrogea Zapar.
Trop nombreux pour qu’on puisse les compter.»
Le prêtre parut réfléchir quelques instants, mais il savait très bien que le temps était compté. Il donna son instruction : «Orsel, surveille le prisonnier. On va aller gagner cette bataille.
Qu’est-ce que tu fais ? S’étonna Jack, on va avoir besoin de tout le monde là-haut.
Je ne peux pas prendre le risque qu’il s’échappe. S’il disparaît, notre piste pour retrouver Malie part aussi.»
Sur ces mots, il entreprit de gagner la cour qui deviendrait bientôt un champ de bataille, suivi de près par Jack et Zelbe. En haut, Dragonlips préparait ses hommes pour le choc imminent : «Nous nous sommes entraînés ensemble, nous avons combattu ensemble contre les pires démons que le plan des Ténèbres a pu cracher. Nous avons déjà vu la Grande Faucheuse, et nous lui avons échappé encore et encore, parce que ce ne sont pas nos ennemis que nous affrontons, c’est la Mort elle-même ! Aujourd’hui encore, nous triompherons ensemble. Que le sang de nos ennemis soit un message pour tous ceux qui voudraient nous abattre : Nous sommes l’épée vengeresse, nous sommes le dernier bouclier, nous sommes la lumière dans les ténèbres, au nom de tout ce qui est Pur, nous combattons jusqu’à la mort !! »
Le rempart principal du château vola en éclat à peine trente secondes après le début des hostilités, l’ennemi pénétra dans la forteresse par dizaines, arrivant par vagues que rien ne semblait ralentir. Jack, au milieu de la cour, montra à tous ses talents. Parant un premier attaquant, il découpa un second avant de revenir au premier dans un même mouvement fluide. Ses coups n’étaient pas mortels, mais ceux qui les recevaient n’étaient pas près de se relever. D’un geste vif, il para une flèche mais n’eut pas le temps de s’occuper de celui qui l’avait envoyé. Il esquiva un coup en se décalant, évita un second d’une roulade. À peine relevé, de nouveaux attaquants lui faisaient face. L’un d’entre eux était un Nokma, une espèce semblable à un ours monstrueux. Comme tous les membres de son espèce, sa force est celle de cinq hommes, ses mains se terminent par des griffes longues de plusieurs centimètres et capables de trancher la pierre, sa queue se séparant en deux membres capables d’attraper ou de lacérer. Tout dans son anatomie semble avoir été conçu pour le combat, y compris ses poils épais capables de se durcir pour résister aux coups les plus durs. Jack avait déjà fait face à un tel combattant, à plusieurs reprises d’ailleurs, les Nokma étant pratiquement tous des esclaves utilisés comme gardes du corps ou soldats dans les différentes armées. Celui-ci semblait particulièrement déterminé à éliminer le baroudeur, lequel était plus que déterminé à rester en vie. Pour en venir à bout suffisamment rapidement, Jack savait qu’il allait devoir le laisser attaquer en premier. S’il réussissait à profiter de la force de l’assaut du Nokma, il pourrait renforcer la puissance de sa propre attaque pour percer son armure naturelle. Les deux combattants se mirent en position, se faisant face l’un l’autre. Ils s’observèrent pendant une seconde, un temps pendant lequel beaucoup de choses pouvaient évoluer dans un champ de bataille. Jack vit du coin de l’œil une lance arriver par-derrière, il se retourna d’un bond pour parer l’attaque. Le soldat qui lui faisait maintenant face s’apprêtait à attaquer de nouveau, derrière le Nokma lança également son assaut. Le baroudeur prit son épée de la main gauche et de sa main droite attrapa la lance de son adversaire pour la lancer en arrière, le guerrier félin s’abattit dessus, l’acier froid s’enfonçant dans son torse et il s’abattit au sol, la lance toujours dans son corps. Son opposant désarmé, Jack n’eut qu’un geste à faire pour le mettre hors de combat. Un rapide coup d’œil autour de lui suffit pour confirmer que la bataille était encore loin d’être finie.
Zapar n’avait pas combattu depuis très longtemps, mais il reprit très vite la main. Sa magie lui permettait de lancer de puissants éclairs, mais malheureusement il ne pouvait s’en servir dans cette mêlée sans risquer de toucher un des soldats de Dragonlips. Au lieu de ça, il se battait à l’aide d’une épée et d’une lance qu’il avait récupérées sur des cadavres quelconques. Quand les ennemis face à lui étaient trop nombreux, il se servait d’un autre de ses sorts pour perturber leurs esprits. Les soldats se retrouvant ainsi dans un état de confusion complet se retrouvaient à attaquer leurs alliés sans vraiment contrôler leurs mouvements. Zapar profitait alors du chaos qui s’ensuivait pour porter des attaques plus physiques sur ses ennemis devenus incapables de se défendre. Dans d’autres situations plus critiques, il se servait du même sort qu’il utilisait pour effectuer une opération chirurgicale. Son adversaire ainsi bloqué dans une stase temporelle ne pouvait rien faire pour éviter le coup de lance du prêtre. La situation se compliqua lorsqu’il se trouva face à un Droht. Comme Leonae, celui-ci était insensible aux attaques visant son esprit et il se déplaçait trop rapidement pour être atteint par les autres sorts de Zapar. Parcourant le champ de bataille avec souplesse et rapidité, ses deux dagues lui suffisaient largement pour répandre la mort parmi les hommes de Dragonlips. Mais il était maintenant fixé sur le prêtre, mettant à profit ses nombreuses années d’existence pour éviter ses sorts, il serait bientôt suffisamment proche pour le regarder dans le blanc des yeux. Zapar comprit qu’il allait devoir privilégier la vitesse à la force, il lâcha la lance pour ne se battre qu’avec une épée. Son adversaire était sur lui, les coups pleuvaient sans interruption. Le prêtre résista, parant une dague, évitant la deuxième et répétant ses deux actions autant de fois que nécessaire. Le Droht était un combattant rusé, voyant que la défense de Zapar était impénétrable, il choisit de le désarmer d’un coup de pied. Privée de son épée, sa cible était à sa merci. Il arma son coup, prêt à planter ses deux dagues dans la chair de l’humain en face de lui. Voyant que la situation tournait à son désavantage, le prêtre n’eut d’autre choix que d’invoquer un éclair. Celui-ci s’abattit d’un coup juste à côté des deux combattants, brûlant dix combattants parmi les deux camps, en sonnant encore plus. Mais le Droht n’était pas mort, il ne lui fallut que quelques secondes pour se relever et enfoncer la dague qui lui restait dans le ventre de sa cible. Quelques secondes furent tout ce qu’il fallait à Zapar pour récupérer son épée. Lorsque le Droht fut suffisamment proche, la lame du prêtre s’enfonça dans la chair du soldat ennemi, lui ôtant la vie. Son adversaire à terre, Zapar victorieux jeta un œil inquiet vers la dague enfoncée dans son ventre avant de s’effondrer à son tour.
Zelbe était une démone, ce qui lui donnait une compétence naturelle pour le combat. Malheureusement, elle n’avait jamais réellement mis à profit cette capacité, choisissant toujours la solitude au conflit. Ces ennemis en revanche, la considéraient comme la menace la plus imminente et concentrèrent donc leurs forces pour l’abattre. Pour les Hommes, sa force lui permettait largement d’en prendre et de l’envoyer sur les autres pour se débarrasser de plusieurs d’un coup. Sa peau était naturellement plus solide que la moyenne, ce qui lui permit de résister aux tirs de flèches et aux coups des soldats les plus faibles. La roue tourna vite en sa défaveur lorsqu’un Formas se présenta devant elle. Ces petits humanoïdes ayant autant de force qu’un géant font de très bons combattants, comme l’apprit Zelbe à ses dépens. La créature décocha un coup dans la direction de la démone qui fut propulsée contre un mur. Bien vite, plusieurs soldats se trouvaient autour d’elle, essayant tant bien que mal de l’achever. Elle reçut plusieurs blessures, mais finit par saisir une épée longue sur un cadavre dont elle se servit pour décapiter d’un même geste trois soldats. Les autres, inquiets, firent deux pas en arrière. Il n’y avait ainsi plus personne autour d’elle, ce qui permit à un mage situé non loin de lancer une boule de feu sur la démone. Zelbe hurla de douleur alors qu’elle sentit son sang bouillir sous la chaleur, elle fit quelques pas en avant, agitant son épée mais elle fut vite désarmée. Troublée, elle reçut une volée de flèches dont six percèrent sa peau affaiblie par le feu. La douleur était insupportable, jamais Zelbe n’avait subi autant d’attaques. Dans sa panique, elle vit des flashes de son passé. Elle vit les années où elle fut forcée de détruire des villages humains auprès de ses congénères. Elle vit le garçon qu’elle avait épargné. Elle vit le monde solitaire où elle avait été bannie. Et surtout, elle vit celle qui vint briser sa solitude après des centaines d’années, Malie. C’était pour elle que Zelbe combattait, c’était pour elle que la démone devait absolument triompher. Elle reprit ses esprits et releva la tête juste à temps pour voir une femme vêtue d’une imposante armure et équipée d’une gigantesque hache arriver dans sa direction. Avant que la démone n’ait le temps de faire quoique ce soit, la hache de son adversaire s’abattit, tranchant net le bras droit de Zelbe qui tomba sur le sol, prenant feu presque instantanément et disparaissant en poussière.
Dragonlips vit la démone perdre son bras, mais il était trop loin pour faire quoique ce soit. Il vit le prêtre tomber au combat, mais il était entouré par une dizaine soldats déterminés à l’empêcher de partir. Son armée était clairement dépassée. Lui-même était dépassé. Il parait une attaque d’un côté, juste pour se prendre celle qui venait de l’autre côté. Son corps souffrait déjà de multiples entailles. Il ne ressentait aucune douleur physique, mais son cœur battait au ralenti. Il voyait ses hommes, ceux qu’il avait lui-même entraînés, tomber sous les coups. Il voyait les soldats avec lesquels il avait combattu tant de fois auparavant perdre leur dernier combat. Lui-même était incapable d’agir correctement. Son pouvoir lui permettant de ressentir les émotions de ceux qui l’entouraient, devenait son pire cauchemar. Toute sa concentration ne servait qu’à essayer de surmonter la peur qui l’envahissait. Il para une attaque, une deuxième mais la troisième vint d’un angle qu’il ne surveillait plus. Entouré de toute part, il n’avait aucune chance, et il le savait. Tout était perdu, son armée défaite, ses alliés les plus puissants abattus, sa forteresse envahie. C’était la fin de son règne, et il le savait. Il para une nouvelle attaque, en esquiva une autre puis une autre encore mais fut incapable d’arrêter la dernière. Une épée lui entailla la jambe, le forçant à poser un genou à terre. Il baissa la tête, son arme tenant à peine dans sa main. Il était prêt à recevoir le coup de grâce.
Jack s’abattit tel un coup de foudre, lacérant deux soldats d’un seul mouvement. Puis il tendit sa main à Dragonlips pour l’aider à se relever. Celui-ci fut aussitôt saisit par la confiance en soi du baroudeur. A peine sur ses pieds, il se mit dos à dos avec son allié. Sa défense ainsi renforcée, il pouvait se concentrer sur l’attaque. Une parade, un pas en avant et un de ses adversaires mangeait la poussière. Une esquive, une première attaque à droite, une deuxième à gauche et un nouvel ennemi tombait pour la dernière fois. De son côté, Jack ne ternissait pas sa réputation de combattant imbattable. Aux yeux de ses ennemis, il semblait inarrêtable, aux yeux de ses alliés, il représentait l’espoir. Un coup lui suffisait pour éliminer n’importe lequel de ses ennemis. Ses yeux avaient changé, ils étaient devenus bestiaux. Il agissait sans réfléchir, combattant par instinct. Dragonlips parvint à bout des cinq ennemis qui lui faisaient face, il se retourna pour voir Jack repoussant dix soldats à la fois. Il semblait danser au milieu des lames, ne souffrant aucune blessure il se battait avec une énergie venue du plus profond de son être. Dragonlips quant à lui était gravement blessé. Malgré sa haute résistance à la douleur, il pouvait à peine tenir son épée, rien que de tenir debout lui prenait toute son énergie. D’un coup, il se souvint de l’objectif : Le fils d’Orion. S’il s’échappait, ils auraient tout perdu. Lui ne pouvait plus rien faire, mais peut-être que Jack parviendrait à le cacher. Il était le seul combattant du côté de Dragonlips à encore tenir debout sans chanceler : «Jack ! La bataille ici est perdue, mais nous pouvons encore récupérer le fils d’Orion. Il y a un portail dans le donjon, fais-le passer et brise le passage derrière toi. Je vais les retenir ici.» Le baroudeur s’exécuta, partant vers le château. Le guerrier saisit son courage à deux mains et brandit sa lame fièrement devant lui. De l’autre côté du champ de bataille, Zapar se relevait difficilement, il arracha la dague de son ventre et la pointa également sur ses ennemis. Ci et là, les soldats de Dragonlips se relevaient, prêt à livrer leur dernier combat. L’ennemi attendait, semblant respecter la volonté des soldats Pur de mourir debout, arme à la main.
Jack atteint rapidement le donjon. Sur son chemin, il ne croisa que deux adversaires qu’il eut vite fait de terrasser. D’une glissade il se retrouva derrière eux, de là il n’eut qu’à les abattre avant qu’ils puissent se relever. Il continua son chemin vers les cachots, passa devant et continua vers la salle où avait eu lieu la séance de torture du fils d’Orion. Il se sentait presque triste pour Zapar, sachant que son dernier acte aurait été de torturer un autre homme. Lorsqu’il arriva dans la pièce en question, il tomba sur le corps d’Orsel, inconsciente. «Elle a bien combattu. Par respect pour son courage, nous ne l’avons pas tuée.» La voix provenait d’un Dokma bien plus imposant que la moyenne de sa race. Il portait dans son dos une longue épée encore tachée de sang. Il soutenait le fils d’Orion, lequel avait du mal à marcher. De l’autre côté, la même femme qui avait tranché le bras de Zelbe soutenait également l’homme affaibli. Jack pointa son épée dans leur direction d’un air défiant. «Je pensais qu’on avait un accord» dit simplement le fils d’Orion. Le baroudeur sembla surpris, il abaissa sa lame avant de répondre : «C’était avant qu’ils te torturent.
La douleur est grande, mais pas assez pour me faire perdre ma perception des choses. Ils m’ont torturé, eux, pas toi. Tu es toujours un homme bon à mes yeux.
Qu’en est-il de toi ? Tes hommes ont fait un massacre là-haut, il ne reste plus rien de l’armée de Dragonlips. Eux aussi étaient des hommes bons.
J’en suis bien conscient, mais quel choix avais-je ? Ils m’ont emprisonné, torturé, si j’étais resté, ils m’auraient sans aucun doute tué. C’étaient des hommes bons, mais leurs choix les ont condamnés.
Non, c’est faux, répondit Jack en relevant un peu son épée, j’aurais pu te faire sortir, discrètement. Personne n’avait à mourir.
Tu as raison… Tu as raison malheureusement. J’ai commis une grave erreur. Je crois qu’au fond de moi j’espérais que Dragonlips n’irait pas jusqu’au bout. Qu’il abandonnerait avant. Mais mes excuses n’ont aucune importance, c’est pourquoi je te laisse seul juge. Personne d’autre plus que toi ne peut comprendre ma situation. Si tu peux me pardonner, alors je pourrai continuer mon œuvre. Mais si tu juges mon crime impardonnable, alors je t’en prie : abats-moi sur le champ.»
En prononçant ces mots, le fils d’Orion s’était écarté de ses soldats, titubant vers le baroudeur. Il était maintenant devant lui, son torse nu et ensanglanté pressé contre l’acier froid de celui qui allait être son juge. Jack réfléchit. Pour la première fois de sa vie, il ne savait pas quoi faire. Là-haut, ses nouveaux amis étaient probablement déjà morts. Il jeta un œil sur Orsel et sentit la rage monter. Puis, il plongea son regard dans celui du fils d’Orion. Il n’avait pas peur, il n’implorait pas la pitié. Il n’était même pas triste, non, il n’y avait que de la détermination dans son regard. Même alors qu’il se trouvait dans cette position vulnérable, il n’avait absolument aucun doute sur la justesse de ses actions. Il savait très bien que Jack ne pourrait pas le tuer, et Jack le savait aussi. Il l’avait su dès qu’il l’avait vu, mais il venait de réellement le confirmer. Le fils d’Orion était celui qu’il devait suivre, pas Zapar.
Le fils d’Orion sourit lorsque Jack abaissa sa lame. Il le serra dans ses bras avant de déclarer : «Pour l’heure, reste ici. Lorsque Lorkhan et les autres reviendront, il faudra que tu parviennes à les convaincre d’abandonner ou de nous rejoindre. En particulier la magicienne, Le. Une fois que ce sera fait, rejoins-nous sur le monde de Zorge, c’est là que nous serons. Pour l’heure, mon associé va t’assommer pour éviter tout risque de suspicion à ton encontre.» À peine avait-il fini sa phrase que le Nokma décocha un puissant crochet du droit à Jack qui s’écrasa contre le mur et perdit conscience.
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