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Chapitre 19 : La grotte du dragon

  • Photo du rédacteur: lorkhanponey
    lorkhanponey
  • 17 sept. 2017
  • 20 min de lecture

« T’es sûr qu’on n’est pas perdu ?

  • Je suis déjà venu avec mon petit frère, je suis certain que c’est par là. »

Le plan de la Nature, où est né et a grandi Cro, n’est pas l’un des plus impliqués dans la guerre. Principalement parce que ses habitants sont plus intéressés par l’idée de communier avec leur environnement que de se battre. Si besoin est, ils n’hésitent pas à participer aux combats pour s’assurer que la Prophétie ne se réalise pas. Mais sinon, ils restent tranquillement dans leur coin. En principe, ça veut dire qu’ils contreviennent à la règle n° 1 des Justes : «tout le monde doit participer à la guerre», mais curieusement les juges ont décidé de ne pas en tenir à rigueur ceux qu’ils appellent les Verts. De toute façon, si on veut se battre avec un membre du clan de la nature, il suffit de marcher sur une plante. C’est la seule cause qu’ils acceptent de défendre, la préservation de la végétation. Ils ressemblent un peu aux écolos de notre univers, choisissant de tout faire pour protéger les différentes planètes de leur Plan. En revanche, ils n’ont rien à voir avec nos végétariens. Au contraire, ils ne mangent que de la viande. Jamais rien qui provienne de la terre. Cela peut vous paraître étrange, mais le règne animal n’entre pas dans leur conception de la Nature. C’est d’ailleurs grâce à ça que ce Plan a produit parmi les plus grands chasseurs des Plans de la Guerre. Je crois même qu’ils sont tous originaires de ce Plan, en tout cas c’est certainement le cas de Chelcar, celui qui a traqué, tué et mangé le puissant dragon Elvava. Si vous vous rappelez le début de ce récit, alors vous n’avez pas oublié que Jack a libéré un dragon nommé Elrara. Eh bien, le dragon dont je vous parle aujourd’hui est la mère de ce premier dragon. Tout ça pour dire que l’histoire que je vais vous raconter remonte un peu.

Il est difficile de dire exactement à quand remonte ce récit, mais les évènements se sont déroulés à l’époque ou le plan de la Vie existait toujours. Sur le monde de la Nature nommé Thralor, vivait, parmi d’autres êtres, un jeune homme obsédé par la chasse. Dès qu’il le pouvait, après avoir fini ses tâches ménagères par exemple, il s’éclipsait pour aller à la taverne de son village. Il n’y allait pas pour boire, de toute façon l’établissement ne servait que de l’eau avec différents types de larmes - mais le fait de ne rien utiliser de végétal réduisait considérablement le choix. Non, si lui venait, c’était pour écouter les histoires des chasseurs. Ils aimaient conter les récits de leurs aventures, les longues journées passées à courir à la poursuite d’un gibier. Les habiles pièges qu’ils avaient tendus, les embuscades qu’ils avaient menées à bien et parfois les combats dans lesquels ils avaient reçu telles ou telles blessures. Un jour, un groupe de chasseurs partit avec un effectif de vingt-trois combattants revint fort d’un seul homme. Tout le monde se tut pour écouter son récit, ce fut à cet instant que Chelcar entendit pour la première fois le nom de la bête qu’il allait passer une bonne partie de sa vie à chasser. Elvava, la plus grande et la plus puissante de toutes les dragonnes. Et surtout, celle qui gardait le plus grand trésor de tous les temps. Le chasseur qui racontait son histoire ignorait l’étendue des fortunes, car son équipe n’avait même pas réussi à faire vingt mètres dans la grotte où vivait la bête. Les dix premiers chasseurs, ceux qui s’étaient le plus avancés, finirent en cendres avant même d’avoir senti l’odeur du soufre provoquée par le souffle de feu de la dragonne. Les autres menèrent un combat valeureux, profitant de «l’inspiration» : terme utilisé par les chasseurs pour parler du laps de temps qui s’écoule avant qu’un dragon qui vient de cracher du feu puisse de nouveau en produire. Ils combattirent bravement, mais trop tôt l’arme la plus puissante de la bête fut rechargée, et dans un souffle elle mit un terme aux ambitions de ses assaillants. Le chasseur ayant fini son récit refusa d’expliquer comment lui avait survécu. Nombreux supposèrent que c’était parce qu’il avait fui. Mais Chelcar s’en fichait, tout ce qu’il voulait savoir c’était où se trouvait la grotte.

N’importe quel bon chasseur vous le dira, la première étape de la chasse, c’est de trouver une arme capable de tuer la cible choisie. Ce n’est généralement pas un problème pour les tigres, lions ou autres animaux sauvages. Mais dès lors qu’on commence à chasser des créatures mythiques, et plus encore s’il s’agit d’un dragon, il devient compliqué de trouver un outil adapté. Chelcar le savait, et c’est pourquoi avant de tenter quoique ce soit en direction de la grotte où résidait la bête, il décida d’aller chercher le seul être capable de tout tuer. À ce jour, personne ne sait réellement comment il avait entendu parler de Necro. Ma meilleure théorie, c’est que son pouvoir dont la nature exacte ne figure pas dans les livres, lui permettait de connaître des informations utiles. Un genre de pouvoir informateur, si cela a un sens quelconque. Dans tous les cas, il parvint à rencontrer le puissant magicien dont je vous ai déjà parlé plusieurs fois. Suite à cette rencontre, le grand chasseur rentra chez lui avec une flèche très particulière, capable de tuer n’importe qui et n’importe quoi. Une fois cette arme en sa possession, il n’avait qu’à la planter dans la peau écailleuse de la bête pour réussir sa mission. Lorsqu’il vit pour la première fois la caverne, il était âgé de dix-sept ans. «Attends, y a-t-il une bonne raison pour que tu nous racontes tout ça en plein milieu de la forêt ?» demandais-je à Cro. «Non pas que j’ai un problème avec ton récit, mais me promener au milieu de plantes plus grandes que moi, avec des arbres dont les racines forment des murs, je peux t’assurer que ça demande toute ma concentration.

  • Souhaites-tu que j’écarte les obstacles devant toi Lorkhan ? Interrogea Le, ma magie aura vite fait de retirer les plantes qui te gênent.

  • Surtout pas ! S’exclama Cro, nous sommes dans le plan de la Nature en ce moment. Vous devez absolument respecter la vie végétale qui nous entoure si nous voulons repartir vivants. Pour ce qui est de l’histoire de Chelcar, elle est importante pour comprendre ce que j’ai trouvé dans cette grotte. Et vu que le temple est quand même très loin, je me suis dit que ce serait une bonne idée de tout vous raconter pendant le chemin.

  • L’histoire de Chelcar est connue, raconte-nous plutôt comment tu as trouvé ce temple la première fois ? Suggéra Leonae.

  • Si tu veux.»

La forêt était extrêmement dense, tellement qu’il était dur d’observer loin sans tomber presque instantanément sur une gigantesque feuille ou sur un tronc d’arbre. Pour ce qui est du bruit, l’endroit était très silencieux, mais Sam’ell m’expliqua que c’était surtout parce que la majorité des plantes autour de nous absorbait les bruits. Il me conseilla de garder ma dague à la main, au cas où un animal sauvage nous attaquerait. Cro commença le récit demandé par Leonae : « Dans mon village, tout le monde connaissait l’existence du temple de Chelcar, ou plutôt de ses ruines. A l’occasion de l’anniversaire des huit ans de mon petit frère, j’ai décidé de l’y emmener. Fro, c’était le nom de mon cadet, était plus qu’impatient et il me fallait constamment courir après lui pour ne pas le perdre de vue. Une fois dans les ruines, cette tâche fut bien plus ardue car son avancée n’était plus ralentie par la végétation. Du moins, jusqu’à ce qu’il tombe sur un éboulement ne permettant aucun passage. En tout cas, pour un être humain normal. Il se trouve que mon petit frère disposait d’un pouvoir qui lui permettait de se transformer en une sorte de brume pour se glisser à travers les plus petits trous. J’essayais bien de l’arrêter, mais sans succès. Sachant pertinemment qu’il allait continuer à avancer sans moi, au mépris du danger, je me mis à chercher un autre passage ou même un semblant de voie que je pourrais suivre. A force de recherche, je finis par remarquer un mur endommagé dans une autre pièce non loin de l’endroit où il s’était rendu. En déplaçant quelques pierres branlantes, je parvins à dégager un passage suffisant pour me glisser dans la fente du mur. De là, j’atterris dans une grande pièce, qui ne contenait que quelques étagères usées et un lit. Je repérai immédiatement la sortie. C’était une lourde porte de pierre que je ne parvins qu’à entrouvrir, j’étais trop épais pour pouvoir passer. De l’autre côté, j’entendis le cri de mon petit frère, mais j’étais incapable de voir où il se trouvait. Je fis de mon mieux pour enfoncer la porte, mais je ne parvins qu’à me déboiter l’épaule. Heureusement, mon expérience de chasseur m’avait appris à la remettre en place facilement, mais à l’époque la douleur demeurait suffisante pour grandement me ralentir. J’entendis mon frère crier de l’autre côté : « Je suis bloqué !

  • Moi aussi ! Répondis-je.

  • Ah… On fait quoi, du coup ?

  • Attends, je vais trouver un truc. Reste où tu es. Oh, et pourquoi t’as hurlé tout à l’heure ?

  • J’ai vu un rat.»

Maintenant que j’y pense, c’était plus étrange qu’il n’y parait. Chez nous, les rats sont très rares dans la mesure où ils constituent le plat principal de la plupart des félins de cette forêt. Même caché dans les ruines, c’est extraordinaire qu’un rat est survécu aussi près du nid des grands félins de la forêt. »

Cro s’arrêta net dans son récit et s’immobilisa immédiatement. Inquiet, je regardai rapidement autour de moi mais tout ce que je pouvais voir, c’était des arbres. Lui, voyait autre chose. Je plaçai ma main sur le pommeau de ma dague, Sam’ell m’arrêta dans mon élan. D’un signe de la main, il me fit signe d’être très silencieux. Le chasseur qui nous guidait, bougeait très lentement, sans faire le moindre bruit. Il semblait se fondre dans la végétation, ne faire qu’un avec elle. Ses mouvements étaient fluides, parfaits. Il était dans son environnement. De son côté, Leonae semblait perturbée. Elle sentait également que quelque chose n’allait pas, mais étant aveugle, elle ne pouvait s’appuyer que sur ses autres sens. Et je doutais qu’elle parvienne à percevoir autant que Cro qui avait appris à ignorer le bruit du vent, à distinguer les craquements naturels des branches, des autres bruits et à repérer l’odeur d’un fauve affamé. Le ignorait également d’où allait venir le danger, mais elle ne semblait pas inquiète pour autant. Un hurlement animal retentit avant que trois créatures semblables à de gigantesques loups surgissent de derrière des arbres. Ils nous avaient entourés, sans même qu’on s’en rende compte. Des exploreurs ordinaires auraient probablement péri, mais nous sommes tout sauf ordinaires. Le premier atterrit sur l’épée que Sam’ell avait reçue de Dragonlips. Ce ne fut pas suffisant pour l’abattre, si bien que le bretteur dut se remettre en position rapidement pour donner le coup fatal. Il ne fut cependant pas assez rapide et bien vite la bête se retrouva sur lui. Il fit de son mieux pour la repousser, subissant nombre de griffures dans sa tentative pour se défendre. Agissant par instinct, je dégainai ma lame pour l’enfoncer dans le flanc de l’énorme loup. Sa peau devait être plus dure que ce que je pensais, car mon coup ne fit que rebondir dessus avant que, déséquilibré, je me retrouve au sol sur mes fesses. Le intervint, des lianes apparaissant de nulle part pour saisir la créature et la suspendre dans les airs où elle ne pouvait rien faire d’autre que se débattre. Un coup d’œil rapide me permit de réaliser qu’elle s’était déjà débarrassé d’une bête, probablement avec un éclair à en juger par la carcasse rôtie par terre. Cro quant à lui avait disparu avec la troisième bête. Je le fis remarquer à la magicienne qui fit se resserrer les lianes pour étouffer le loup. «Inutile de le tuer, relâche-le et il s’enfuira sans demander son reste.» Cro réapparut, chevauchant le loup qui l’avait attaqué. Le rigola, relâchant la bête qui, effectivement, partit sans attendre. Elle déclara :«Lorsqu’on m’a dit que les chasseurs du plan de la Nature pouvaient dompter n’importe quel animal, je n’en ai rien cru. Clairement, je me suis trompé.

  • Dans la forêt, il est parfois nécessaire de savoir se faire des amis, répondit-il.

  • La forêt n’est pas si différente de la ville dans cet aspect, fit remarquer Leonae.

  • C’est vrai, mais dans la forêt on essaye généralement de te changer, pas comme en ville.

  • Tu serais surpris, plaisanta Le. »

Nous reprîmes notre chemin, comme s’il ne s’était rien passé. Voyant qu’il ne reprenait pas de lui-même son récit, j’invitai Cro avec cette question : « Les ruines étaient-elles complètement abandonnées ? N’y avait-il pas un gardien ou quelque chose de ce genre. » Il écarta les branches d’un buisson épais derrière lequel se cachait le temple en ruines. Il était encore loin, de notre point de vue, il semblait tout petit. « Dans le temple en lui-même, il n’y avait pas une âme. Et je dois avouer que j’en fus également surpris. Lorsque j’étais venu avec ma mère, nous n’étions pas entrés aussi profondément à l’intérieur. Mais laissez-moi reprendre le fil de mon récit, car c’est en cherchant un moyen d’ouvrir la porte de manière plus importante que je découvris quelque chose de très intéressant. J’étais en train de fouiller la pièce dans laquelle je me trouvais lorsque le temple entier se mit à trembler alors qu’un terrible rugissement se faisait entendre. J’envisageai de faire demi-tour par la fente dans laquelle je m’étais glissé juste avant, mais mon épaule était trop douloureuse. Et de toute façon, je ne pouvais pas abandonner mon frère. En observant plus attentivement la pièce, je vis le lit. Il avait quelque chose d’étrange, sans que je puisse dire quoi. En m’approchant un peu plus, ça devint évident comme le nez au milieu de la figure. Tous les meubles de la pièce étaient brisés de différentes manières, mais ce lit était intact. Comme si on venait de le poser là. Pourtant ce n’était pas le cas, la couche de poussière dessus témoignait du fait qu’il était aussi vieux que le reste. Ce qui voulait dire, qu’à défaut d’être plus récent il devait être beaucoup plus solide. Et la seule raison pour qu’un lit soit solide, c’est pour pouvoir cacher quelque chose en dessous. A moins que ce soit un lit pour Troll ou Gengrim. En cherchant sous le lit, je trouvai une trappe que je m’empressai d’ouvrir. J’eus vite fait de descendre à l’intérieur du trou, ce qui fut une erreur. Une échelle s’était sûrement trouvée là à une époque, mais ce n’était plus le cas. J’atterris sur le sol avant d’avoir compris que j’étais en train de tomber. La chute était haute, suffisamment pour que je me torde la cheville droite. La douleur me fit pousser un cri qui fut aussitôt capté par mon frère. « Qu’est-ce qu’il se passe !? cria-t-il.

  • Je suis tombé, mais ça va ! Reste où tu es, j’arrive ! »

Autour de moi, il y avait quatre portes, arborant chacune un symbole différent. Dans l’ordre de gauche à droite, il y avait un dessin de flamme, une goutte d’eau, une pierre et le dernier était le signe du vent. En même temps que j’analysais les dessins, je me demandais d’où provenait la lumière. Il n’y avait aucune source, pourtant elle était bien là puisque je voyais. Décidant que la tâche de retrouver mon frère était la plus importante, j’ouvris une porte au hasard. J’entendis un grand clac et par instinct je me décalai sur le côté avant qu’un jet de flammes ne menace de me rôtir. Vraisemblablement, le mécanisme devait être rouillé. Sinon je n’aurais pas eu le temps de m’écarter. Une rapide déduction m’amena aux conclusions suivantes : si la porte arborant le symbole du feu était piégée de cette manière, il était fort possible que le symbole de la terre promette un éboulement et celui de l’eau une noyade. Suivant ces réflexions, le symbole de l’air était le moins dangereux. C’est donc par cette porte que je choisis de sortir de la pièce, et à l’exception d’un courant d’air froid, je ne découvris aucun piège. Le chemin devant moi s’enfonçait dans les profondeurs. J’avais le sentiment de m’éloigner de Fro, mais je n’avais guère d’autre choix que d’avancer.

Malgré ma cheville douloureuse et mon épaule meurtrie, je continuais mon chemin. La douleur n’était rien à côté de ce que mon père me ferait si je revenais sans mon frère. Je m’enfonçais ainsi dans ce qui ressemblait de plus en plus à une grotte. Les murs taillés semblaient de plus en plus bruts, comme si la construction du temple n’avait servi qu’à dissimuler ce qui se trouvait en dessous. Et lorsque je l’ai trouvé, j’ai compris pourquoi. Un gigantesque dragon reposait tranquillement au plus profond de la grotte, avec un trésor de milliers d’objets en or. Lorsque je le vis, j’eu heureusement le réflexe de me faire extrêmement petit. Repérant le plus vite possible la sortie, j’essayais de me diriger dans cette direction. J’aperçus rapidement une porte de pierre derrière la bête, mais elle était encore plus basse que l’endroit où je me trouvais. Vers le haut en revanche, il y avait une ouverture de laquelle semblait émaner une lumière plus naturelle que celle qui m’éclairait actuellement. Me dirigeant dans cette direction, je trébuchais malencontreusement sur ma cheville foulée, faisant tomber une pile de pièces d’or empilées sur un rocher. Elles tombèrent jusqu’en bas, faisant du bruit à chaque rebond sur la roche. J’étais encore par terre, osant à peine me relever lorsque j’aperçus la tête du dragon se lever et ses yeux s’ouvrir sur moi. Il était extraordinairement grand, et je savais que je ne pourrais rien faire pour lui échapper. La bête déploya ses gigantesques ailes qui se heurtèrent aux parois, faisant trembler toute la grotte. Voyant qu’il manquait de place, le dragon revint plus près du sol et plus précisément, plus près de moi. Je ne peux m’empêcher de remarquer qu’une de ses écailles était manquante. Non pas que je puisse en faire quoique ce soit. Il se mit à parler d’une voix grondante : « Qui ose pénétrer dans l’antre du grand Elvava !

  • … Bonjour, m’exclamai-je hésitant, mon nom est Cro et je cherche mon frère. Est-ce que vous l’avez vu ?

  • Est-ce que j’ai vu ton frère ? répéta-t-il, tu n’as donc pas peur de moi ?

  • Si, bien sûr, répondis-je en tout honnêteté. Votre souffle pourrait me rôtir sur place.

  • Alors pourquoi ne t’enfuis-tu pas ?

  • Parce que je me suis foulé la cheville. De tout façon, je ne saurais pas où m’enfuir. Sans parler du fait que je dois bel et bien retrouver mon frère, sinon mon père me fera quelque chose de bien pire que tout ce que vous pouvez me faire.

  • Très bien, si tu dois à tout prix trouver ton petit frère, allons demander de l’aide à mon grand ami Chelcar. Lui pourras t’aider sans l’ombre d’un doute.

  • Le grand chasseur ? Il n’est pas mort ?

  • Non, je ne suis pas mort. »

La voix que je venais d’entendre, provenait d’une forme spectrale sortant d’une des parois. Elle avait la forme et l’apparence exacte de Chelcar, d’après la statue se trouvant à l’entrée du temple. »

A peine Cro avait-il prononcé cette dernière phrase qu’il nous montra la statue en question. Nous étions arrivés à l’entrée du temple de Chelcar. La statue faisait probablement cinq mètres de haut et montrait un homme aux cheveux longs. Il semblait extrêmement musclé, et était représenté torse nu avec d’étranges peintures représentant des symboles dont j’ignorais la signification. Il tenait dans une main une lance et dans l’autre un bouclier en bois de chêne. Notre ami chasseur se mit à crier : « Chelcar ! Est-ce que tu es toujours là ?

  • Tu arrives trop tard, jeune chasseur, répondit une forme brumeuse sortant de la statue, le trésor est perdu par ta faute. »

Devant notre incompréhension et à la demande de Cro, l’ombre qui prenait petit à petit la forme de Chelcar expliqua son histoire. Pendant son récit, nous avancions dans le temple, Le se servant de sa magie pour nous dégager facilement un chemin jusque dans les profondeurs.

« Il me fallut de nombreux jours de préparation et d’entraînement, mais avant l’anniversaire de mes vingt ans, j’avais pris la décision de partir à la chasse du dragon Elvava. Je courus jusqu’à sa grotte, comptant sur l’effet de surprise pour tirer la flèche que Necro m’avait forgée avant que le dragon ne puisse souffler. Ce fut un échec cuisant, car j’aperçus les flammes se diriger dans ma direction avant même d’apercevoir le museau d’où elles sortaient. D’un geste vif, je sautai derrière un gros rocher pour m’abriter. La chaleur était insupportable, mais j’étais encore vivant. Le feu dura pendant plusieurs secondes et malheureusement, mon bras droit subit une grave blessure, m’empêchant de bander mon arc. Si je voulais survivre, j’allais devoir planter la flèche dans le corps de ce dragon à main nue. De là où j’étais, c’était tout à fait impossible, alors je décidai de faire ce que personne n’avait jamais tenté, parler avec ma proie : « Est-ce que je peux vous poser une question ? » Le dragon surpris, mit un terme à son souffle. Jamais personne ne lui avait adressé la parole. Du moins pas depuis qu’il s’était installé dans cette grotte pour surveiller son trésor. Je sortis de ma cachette, dévoilant ma flèche et avouant au dragon qu’elle était capable de tuer n’importe quel être vivant. Je la jetai devant moi, hors de ma portée. Le dragon était très étonné : « Pourquoi as-tu fait ça, humain ?

  • Pour prouver que je ne veux que vous parler. En fait, j’ai un marché à vous proposer qui, je pense, nous arrangera tous les deux. »

Poussé par la curiosité, la bête m’écouta attentivement. Mon plan était simple, j’allais repartir de la grotte et dire à tout le monde que j’avais tué le dragon et volé son trésor. Ainsi, plus personne ne viendrait jamais le déranger et il pourrait se reposer en paix : « Et lorsqu’on doutera de toi, qu’on voudra savoir comment un aussi petit homme que toi a pu tuer seul le grand dragon Elvava, que répondras-tu ?

  • Je n’aurais pas à leur répondre quoique ce soit. Il me suffira de leur montrer une de vos écailles. »

Après moult débats, la bête accepta de me faire don d’une de ses écailles. Je m’approchais pour la prendre, et lorsque je fus suffisamment près, j’enfonçais violemment dans la chair de ma proie la flèche de Necro que j’avais récupéré avec toute la célérité dont j’étais capable. Je fis ensuite deux pas en arrière pour constater que la flèche qui pouvait tuer tout ce qui vivait n’avait pas atteint son but « Tu sembles déçu que ton bout de métal n’ait pas rempli son objectif. » J’ignorais pourquoi, mais je savais que c’était fini. Je fermais les yeux, attendant la fin par le souffle démoniaque. »

La magicienne venait de détruire le dernier mur qui nous bloquait. J’étais presque effrayé par sa puissance, un claquement de doigts lui suffisait pour faire disparaître n’importe quel obstacle. Nous avancions maintenant dans la grotte. Sam’ell exprima ce qui lui trottait dans la tête depuis le début de l’histoire : « ça n’a aucun sens, le dragon Elvava n’a pas pu affronter Chelcar car il était déjà mort depuis longtemps. A l’époque où les Eptihy formaient encore un peuple, nous, les Farghot, nous nous sommes alliés avec eux pour l’affronter. J’ai appris ça à l’Université des Arcanes, le combat avait duré plusieurs jours et nombreux étaient ceux qui avaient péri, mais la bête était tombée et son corps avait été enfermé dans une cage magique pour qu’elle ne puisse jamais être ramenée.

  • Tu as raison, répondit Chelcar, mais nous ignorions cette histoire. Car depuis, le peuple des Epithy avait été détruit et l’histoire oubliée. Même son fils Elrara était encore inconnu de tous, grâce à vous d’ailleurs.

  • Les livres d’Histoire que j’ai étudiés ne faisaient aucune mention d’un fils.

  • Il y en avait pourtant un, et c’est ton peuple qui l’a capturé pour expérimenter sur lui. Mais son histoire n’est pas celle qui nous intéresse. »

Nous étions enfin dans la gigantesque grotte dont Cro parlait dans son histoire. Il y avait effectivement de l’or partout, mais aucun dragon en vue. La porte de pierre qui avait un jour été cachée derrière la gigantesque bête était maintenant bien visible et grande ouverte. Notre ami le chasseur se précipita dans sa direction, glissant à moitié dans la pente de pierre. Je le suivais, aidé par Le qui voyant ma difficulté à avancer sur le chemin escarpé qu’avait emprunté Cro me fit léviter jusqu’en bas.

Par-delà les gigantesques portes, se trouvait une salle, très petite, au milieu de laquelle était un bloc de roche bleue. Il y avait clairement un creux sur lequel avait un jour été posé quelque chose, mais ce n’était plus le cas. La pièce était entièrement vide. Sur les murs cependant, un récit était écrit dans une langue que je ne connaissais pas. D’ailleurs, personne ne savait ce qu’elle voulait dire à l’exception de Sam’ell : « C’est la langue de mon peuple. Je ne l’ai pas vu écrite depuis très longtemps. C’est une histoire qui parle de la bataille contre le dragon Elvava. Sa puissance était telle qu’il aurait pu détruire tout un Plan, et c’est ce qu’il manqua de faire lorsqu’il attaqua les Farghot. Parmi les autres peuples, seuls les Epithy acceptèrent de les aider, marquant ainsi le début d’une alliance qui ne devrait jamais être oubliée. Lorsque le peuple Epithy fut condamné à mort par les Anciens et que les autres Plans se retournèrent contre eux, les Farghot proposèrent leur aide sans aucune condition, mais elle fut refusée. Le peuple des Epithy savait que son temps était compté, et il l’acceptait. Il ne voulait surtout pas que leur seul allié meure avec eux. Au lieu de ça, ils lui confièrent leur dernier espoir. Le dernier vœu du père des Epithy, un œuf capable de ramener à la vie la race, quand les autres peuples seront prêts pour leur retour. Les Farghot firent la promesse de protéger l’œuf, et c’est ce qu’ils firent pendant des milliers d’années. Lorsque Necro détruisit leur monde, une dizaine d’entre eux vinrent se réfugier sur ce monde, dans le plan de la Nature. Ils avaient besoin d’un gardien puissant, alors ils décidèrent de créer un dragon à l’image du grand Elvava dont ils avaient toujours la carcasse. Mais leur création n’était pas dotée de vie, elle ne pourrait pas garder l’œuf éternellement. Les Farghot finiraient par mourir, et l’œuf finirait par être perdu malgré tous leurs efforts. » Sam’ell arrêta son récit, il semblait en pleine réflexion. Curieux de cette interruption, je regardai dans la direction de son regard, pour constater qu’une partie du mur, la fin du récit avait été détruite par le temps. Cro ramassa quelque chose par terre, un petit bout de papier qu’il lut à voix haute : « J’emprunte la relique au nom du fils d’Orion, bisou, Hobna Foot. »

Un silence s’ensuivit et Leonae fit remarquer l’évidence : « Nous devons absolument trouver cet Hobna Foot. Il détient l’espoir de toute une race.

  • Ce n’est pas votre mission, s’exclama Sam’ell, c’est mon peuple qui a promis de protéger l’œuf. C’est à moi de le retrouver.

  • Je ne crois pas non plus que ce soit à toi de le retrouver, intervint Cro, je crois que ce devoir me revient.

  • Je ne tiens pas à te manquer de respect, indiqua Sam’ell, mais tu n’es rien d’autre qu’un chasseur. Quel lien as-tu avec le peuple des Epithy qui t’amènerait à risquer ta vie pour les protéger ?

  • Chelcar en a fait le vœu, et je suis son descendant. »

Tous les regards se tournèrent vers l’image de Chelcar qui était resté silencieuse depuis notre entrée dans la grotte. Cro lui fit remarquer qu’il était temps de raconter la fin de l’histoire, et la forme spectrale accepta.

« Il me fallut bien trente secondes pour réaliser que le feu du dragon ne m’avait toujours pas rôti. Lorsque j’ouvris de nouveau les yeux, un très vieil homme à la peau bleue se tenait entre moi et le dragon. C’était le dernier des Farghot chargé de garder ce temple. Il était proche de la mort, se sachant incapable d’accomplir sa mission plus longtemps, il voyait en moi un successeur. Il m’amena au fond de la grotte, jusqu’à la salle où nous sommes actuellement. Il me raconte toute l’histoire que votre ami vient de lire, et à la fin il me demanda mon aide : « Je suis mourant, très vite je serais mort je n’ai aucun doute là-dessus. Je ne peux plus remplir ma mission, mais tu pourrais porter le flambeau à ma place.

  • Pourquoi est-ce que je devrais accepter.

  • … Je n’en sais rien. Mais tu es mon seul espoir. J’ai eu ton âge à une époque, il y’a fort longtemps. Je n’avais aucun but dans la vie, cherchant désespérément quelque chose qui pourrait donner un sens à ma vie. Lorsqu’on me confia la mission de protéger notre relique la plus précieuse, j’as enfin trouvé mon but. Je l’ai protégée pendant près d’un millénaire, c’est moi qui ai eu l’idée de venir nous cacher ici lorsque Necro a attaqué. Mais malgré tous mes efforts, je ne peux plus lutter contre le temps. »

Il parlait extrêmement lentement, semblant se perdre dans ses propres mots. Mais quelque chose dans son récit résonnait à l’intérieur de mon corps. Il avait raison, je n’avais aucun but. Chaque jour, je me levais sans savoir réellement pourquoi. La quête d’Elvava m’avait tenu occupé pendant longtemps, mais maintenant que c’était fini, il me fallait autre chose, mais quoi ? « Même si j’acceptais, je ne suis qu’un homme. Je ne vivrai pas plus de soixante ans et après l’œuf sera de nouveau sans défense.

  • Pas si je te donne mon énergie magique, je peux faire en sorte que tu vives au-delà de la mort. Tout ce que tu dois faire, c’est faire vœu de protéger l’œuf à ma place. »

Comme vous l’avez probablement compris, j’ai accepté. J’ignore exactement ce qu’il m’a fait, mais grâce à son pouvoir je suis devenu plus fort, plus agile, plus puissant. J’ai forgé ma légende, créant un culte autour de moi dont la mission secrète serait de protéger le trésor. J’ai amassé moi-même tout cet or pour financer la construction du temple et sa protection, mais avec le temps mon œuvre s’est brisée également. Je n’avais plus rien, à l’exception d’un fils dont j’ignorais l’existence. Mais ça ne l’avait pas empêché d’avoir des enfants, qui eux-mêmes ont eu des enfants. Chaque génération portant une partie du pouvoir que m’avait transmis le Farghot. Jusqu’à toi Cro, tu es le dernier à porter mon sang. Ton frère ne l’a pas reçu, car il n’y en avait plus. Lorsque je t’ai dit tout ça, la dernière fois, tu as préféré fuir, sauvant ton frère et quittant ensuite ton village natal. Et j’ai cru que ma lignée était morte. Mais tu es revenu, ce qui me permet de te poser cette question : « Honoreras-tu mon vœu, fils ? »


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