Chapitre 16 : Le prix de l'information
- lorkhanponey
- 26 août 2017
- 24 min de lecture
Les soldats envoyés par Dragonlips pour trouver la piste d’Orion revinrent les uns après les autres, tous bredouilles jusqu’à ce qu’enfin l’un des soldats déclare : « J’ai localisé un informateur prétendant savoir où trouver le dénommé fils d’Orion. Mais il exige d’avoir affaire à vous directement, seigneur Dragonlips.
Qui détient l’information ?
Fotkor, l’ombre attentive.
Evidemment. Tu peux être fier, Mightmourn, grâce à toi nous avons fait un grand pas dans l’accomplissement de notre quête. N’hésite pas à prendre un jour de repos si tu estimes en avoir besoin. »
Le soldat partit, si bien qu’il ne restait dans la pièce que le groupe que nous avions formé pour sauver Malie. Le guerrier parla le premier, puisqu’il était le seul à savoir qui était ce Foktor. Il semblait inquiet, se demandant quel serait notre prochaine action. « L’ombre attentive est un Gengrim, et pas l’un des plus commodes. » A la mention du mot Gengrim, tous adoptèrent une expression d’inquiétude similaire à celle de Dragonlips. Tous sauf moi, car j’ignorais l’existence de cette espèce particulièrement étrange. Zapar, le prêtre à l’origine de la création de ce groupe parla ensuite : « Quel que soit le prix qu’il nous impose, il faudra le payer. Seul cet Orion pourra nous mener à Malie, et c’est la seule chose qui compte.
Et s’il refuse de parler, je l’étriperai vivant jusqu’à ce que la douleur le force à cracher l’information, ajouta Zelbe la démone.
Ce ne sera pas nécessaire, intervint Le la magicienne, la télépathie n’est pas ma spécialité, mais je connais quelques sorts qui devraient pouvoir lui délier la langue sans recourir à des méthodes trop radicales.
Je pense que c’est une mauvaise idée, argumenta Jack le baroudeur, les Gengrims ne travaillent jamais seul, au contraire ils sont toujours entourés par un certains nombres de mercenaires choisis parmi les meilleurs.
Si on en vient au combat, sera-t-on capable de les vaincre ? Interrogea Cro le chasseur.
Pas sans subir des pertes, totales ou partielles, répondit Leonae l’archère. »
Ils argumentèrent pendant quelques instants, me laissant en dehors de la conversation.
Zapar, Zelbe et L’étaient tout à fait prêts à utiliser la force pour obtenir les réponses dont ils avaient besoin. Les autres craignaient les répercussions d’une attaque de front contre ce Foktor. Au bout de quelques minutes, je décidai enfin de rompre mon silence : « C’est quoi un Gengrim ? ». Ils cessèrent aussitôt toute discussion, m’observant curieusement. Certains commençaient à se demander pourquoi j’étais avec eux, sans aller jusqu’à poser la question à voix haute. Ma question quant à elle trouva une réponse grâce à Jack : « Les Gengrims sont une race née de la fusion de plusieurs Gossi. Les Gossi sont des petites créatures ailées, pas plus grosses que des fourmis et qui adorent les ragots. Dès qu’elles entendent quelque chose, quoique ce soit, elles se le partagent par télépathie. A un certain âge, elles se réunissent à plusieurs pour former une espèce ressemblant à un troll et dont la peau est faite de métal. La fonction de cette nouvelle créature est de protéger les Gossi. Cette créature est un Gengrim, et en plus d’être très résistante, elle est particulièrement intelligente. Beaucoup plus que les hommes les plus brillants. Le premier d’entre eux a très vite compris qu’il pouvait exploiter les Gossi pour créer le plus grand réseau possible d’informations. Les suivants ont exploité l’idée, et aujourd’hui, dès qu’une armée a besoin d’informations ou d’un espion ils demandent aux Gengrims. Est-ce que tu as compris ?
Oui, mais ce que je comprends pas, c’est pourquoi est-ce qu’on n’a pas demandé directement à un Gengrim s’ils ont toutes les informations possibles ?
Si tu disposais du service de renseignements le plus performant possible, répondit Leonae, est-ce que tu serais disposé à partager ton savoir sans une certaine contrepartie ?
Non, bien sûr. Mais si c’est une question d’argent, Dragonlips doit en avoir pas mal dans son château,
Non ?
Le problème, c’est que Foktor est déjà l’un des informateurs les plus riches que j’ai jamais rencontrés. Il ne sera aucunement intéressé par l’or, intervint Dragonlips, il voudra certainement qu’on lui rende un quelconque service.
Alors c’est ce qu’on fera, non ? »
Il y eut quelques hésitations, mais finalement, accepter de payer la somme demandée, quel qu’elle soit, était plus malin que d’essayer de l’attaquer. Ce plan en tête, nous partîmes vers la capitale Pur où Foktor avait installé son échoppe.
La capitale Pur est loin d’être la plus cosmopolite. En principe, toutes les espèces sont acceptées dans les neuf capitales des neuf plans, y compris les démons. De ce que j’ai compris, ce sont les Anciens qui ont établi cette règle pour faciliter la guerre. Mais chez les Purs, la haine pour les monstres de toutes sortes est telle que quiconque ne ressemble pas assez à un humain y réfléchit à deux fois avant de s’y rendre. Zelbe et Orsel choisirent néanmoins d’y aller avec leur apparence naturelle, espérant probablement qu’elle permettrait d’intimider le Gengrim. En arrivant dans le quartier où Foktor avait établi son commerce, il ne faisait aucun doute qu’il était au moins aussi riche que l’avait laissé entendre Dragonlips, sinon plus. Une grande place menait à une gigantesque maison, semblable à un manoir fait entièrement d’or. Les murs, les fenêtres, jusqu’au toit, tout était fait pour impressionner quiconque venait chercher un renseignement. La place en elle-même était animée, un marchand vendait diverses babioles sur son étalage, criant pour alpaguer quiconque passait par là. Un musicien exerçait son art contre quelques pièces à côté de la fontaine centrale. Nombreux étaient les passants, allant d’un endroit à un autre. La plupart d’entre eux semblaient heureux, ou du moins ne semblaient pas tristes. Leonae se rapprocha de moi : «Méfie-toi des passants, ils travaillent tous pour Foktor. Si tu fais un mouvement louche, ils n’hésiteront pas à te trancher la gorge.
Comment est-ce que tu sais ça ? Tu ne peux pas les voir.
Je n’ai peut-être plus mes yeux, mais j’ai toujours mes oreilles. Aucun d’entre eux ne marche comme le ferait quelqu’un qui fait son marché. Ils sont en train de patrouiller, tu peux me croire.»
Arrivés devant la gigantesque maison, les deux portes s’ouvrirent d’un coup, nous permettant d’entrer. Et bien sûr, elles se refermèrent derrière nous. A peine avions-nous fait un pas dans le hall que Le déclara : «Il y a un problème.
Quoi ? interrogea Dragonlips, inquiet lui aussi.
Je n’ai plus accès à ma magie.»
Un rire retentit à l’étage. J’eus juste le temps de repérer les gardes qui apparaissaient au rez-de-chaussée, partout autour de nous. Ils nous entourèrent rapidement, sortant des pièces à droite et à gauche, mais également d’un endroit derrière le gigantesque escalier. De celui-ci descendait lentement le Gengrim, toujours en train de rire. Il était lui aussi entouré par quatre gardes, ce qui en faisait au total près d’une vingtaine autour de nous. La pièce était suffisamment large pour tous nous accueillir tout en nous donnant clairement l’impression qu’on ne pouvait plus s’échapper. Foktor arriva enfin à la dernière marche et cessa son rire, déclarant d’une voix tonitruante : «Pensais-tu vraiment que j’allais te laisser l’usage de ta magie au sein de mon établissement ? L’un de mes mercenaires a la capacité de couper l’accès à la magie de n’importe qui, ce qui est particulièrement utile lorsqu’on a affaire à des magiciens dans ton genre. Pour les autres, j’ai fait concevoir des menottes spéciales, pour m’assurer que ceux d’entre vous qui seraient tentés de «m’étriper pour obtenir des réponses» y réfléchissent à deux fois.» Il avait effectivement construit des menottes adaptées à chacun d’entre nous. Celles de Zelbe et Orsel étaient faites d’un métal noir semblant particulièrement résistant. Celles de Jack l’empêchaient de bouger de plus d’un centimètre dans n’importe quelle direction. Elles me faisaient un peu penser à celles que mettaient souvent Houdini lors de ses numéros d’évasion. Les autres avaient des menottes plus simples, similaires aux miennes. Un coup d’œil me permit de comprendre comment fonctionnait le mécanisme, elles étaient très similaires à celles que j’utilisais chez moi pour m’entrainer à l’évasion.
Une fois qu’il fut un petit peu plus rassuré pour sa sécurité, le Gengrim nous fit entrer dans son bureau, ce qui fut plus compliqué pour certains que pour d’autres et nous fit nous agenouiller alors qu’il s’installait dans une sorte de trône serti de pierres précieuses dont j’ignorais le nom. Il nous jaugea pendant quelques instants, sans rien dire. Dragonlips parla le premier : «Sans vouloir interrompre ton sens dramatique, nous sommes venus acheter tes services.
Ce n’est pas la formule, guerrier ! et tu le sais très bien ! déclara le Gengrim.
Pardonne-moi, nous avons besoin de l’aide de l’ombre attentive.
L’ombre attentive ! C’est moi ! Mais pourquoi devrais-je t’aider, guerrier !?»
Il semblait à la fois manquer de sérieux, et en même temps il finissait toutes ses phrases en hurlant. Crachant régulièrement des postillons partant dans toutes les directions. De temps en temps, une petite créature ailée scintillante entrait dans une de ses oreilles et ne repartait qu’au bout de quelques minutes. Il ne semblait même pas y faire attention. Dragonlips continua la conversation : «Quelque soit ton prix, nous sommes prêts à le payer.
Tu n’as pas l’air de comprendre, guerrier ! Ton équipe à elle seule me rapporterait beaucoup ! Nous avons d’un côté, Jack le lâche. Celui qui a relâché le grand dragon Elrara sur le monde et a ensuite fui ses responsabilités. Les anciens paieraient cher pour sa tête !
Nous pouvons te payer plus.
Attends donc, je n’ai pas encore fini ! De l’autre côté nous avons Le, recherché par les plus grands professeurs du plan de la Connaissance pour trahison. Ton vieil enseignant est prêt à payer très cher pour ta tête, mais pas forcément pour le corps !»
De nouveau, il éclata de rire. Mais cette fois-ci, ce fut beaucoup plus court. A peine eut-il fini qu’il se leva d’un bond et se dirigea vers la magicienne pour se rapprocher un maximum de son visage et la regarder droit dans les yeux alors qu’il continuait d’un air beaucoup plus sérieux : « Ou bien peut-être que je pourrais me contenter de ce que tu caches dans ta poche ?
Quoique ce soit, nous pouvons te payer plus, insista Dragonlips.
Je n’ai toujours pas fini ! Tu ne m’as pas laissé parler du chasseur ayant abandonné une relique qui ne devrait pas être abandonnée.»
Cette fois, il se rapprocha de Cro : «Si tu me dis ce qu’est cette relique, je serai peut-être plus enclin à vous aider. Mais bien sûr, il faudrait que tu saches ce que c’est.
Foktor, tu me connais. Et clairement, tu ignores peu de chose sur mon groupe. Tu sais que je peux surenchérir sur tout ce dont tu parles.
Il y a, dans ton équipe, quelqu’un d’encore plus précieux. Quelqu’un qui n’existait pas il y a encore un an, et qui depuis a accompli l’impensable en brisant la malédiction du labyrinthe. Quelqu’un qui est plus lent que sa réputation ne l’entend.»
Il se retourna vers son trône pour tomber sur moi, assis à sa place. Je voulais absolument savoir si son fauteuil était confortable, la réponse était non. Il jeta un rapide coup d’œil aux menottes que j’avais laissé trainé par terre et sourit. Il s’adressa directement à moi : «Je pensais que tu serais plus rapide à te libérer, jeune prestidigitateur.
J’aurais pu, mais ma main est encore douloureuse depuis mon dernier entrainement.
Si tu pouvais t’écarter de mon fauteuil, j’apprécierais.
Aucun problème, je le gardais juste au chaud en attendant que vous reveniez. Avant de continuer la négociation, j’aimerais vous dire que je suis très impressionné par tout ce que vous avez construit. Vous êtes clairement encore plus intelligent que ce que disait Jack.
Penses-tu vraiment que la flatterie te permettra d’avancer dans ta «négociation» ?
Non, vous seul pouvez faire avancer la discussion. Parce que vous saviez clairement que nous arrivions, et vous saviez même notre valeur. Pourtant, je ne vois ni anciens, ni professeurs de la connaissance dans les barrages.
Et donc ?
C’est simple, vous savez déjà ce que vous allez nous demander de faire. Alors allons-y, que pouvons-nous faire pour vous, ombre attentive ?»
Je ne sais jamais vraiment pourquoi je dis ce que je dis. Et j’ignore encore plus pourquoi ça marche. Toujours est-il que j’avais raison. Foktor avait un prix. En l’occurrence, plusieurs de ses Gossi avaient disparu. Aucun de ses mercenaires n’avait été capable de les retrouver, alors maintenant la mission nous revenait. Du moins, c’est ce que j’ai dit au groupe. J’ai jugé qu’aucun d’entre eux n’avait besoin de savoir à propos du supplément qu’il n’avait mentionné qu’à moi. Après tout, ça ne regardait aucun d’entre eux. Ni la manière dont on allait trouver la source du problème. Je l’ai mentionné à plusieurs reprises, je suis possédé par un démon. C’est une histoire que j’ai déjà racontée, mais qui a toujours son importance ici. Le démon répondant au nom de Zelim m’a exposé les règles suivantes lorsqu’il s’est installé dans mon corps. Il m’accordera six souhaits, lesquels seront réalisés par ses pouvoirs. Lorsque le sixième souhait aura été exaucé, il s’emparera complètement de mon esprit me relogeant à la place d’observateur de mes propres actions. En revanche, si je le souhaite, n’importe lequel de mes souhaits pourra être de le faire disparaître, auquel cas il sera obligé de partir et je serai libre. J’ai bien entendu songé à lui demander de partir directement, mais ça aurait été du gâchis, comme le témoigne cette situation. Pour la première fois, je m’adressais directement au parasite rôdant quelque part dans mon esprit : «Zelim, j’ai besoin de toi pour trouver quelque chose.» Il apparut devant moi, personne d’autre ne pouvait le voir ni l’entendre. C’était la première fois que je le voyais vraiment, et il me ressemblait en tout point. A cette exception près qu’il portait des vêtements plus sombres, ses cheveux étaient eux aussi d’un noir profond. En l’observant un petit peu plus, je remarquai ce que j’aurais dû voir en premier : sa peau était d’un rouge foncé rappelant sans aucun doute la couleur du diable. Il me répondit ainsi : «Je suis ici pour te servir Lorkhan Poney, six vœux je t’ai accordé et six vœux tu auras. Et lorsque ta dernière requête aura été satisfaite, ton esprit sera le mien et mon corps sera le tien.
Je connais les règles, Zelim. Je veux trouver la source de la disparition des Gossi de Foktor.
Je sais très bien ce que ton cœur désire, n’oublie que j’habite dans ton esprit. Tout ce que tu sens, tout ce que tu entends, tout ce que tu ressens est mien également. J’ai déjà localisé ce que tu cherches, demande-le correctement et je te le montrerai.
Zelim, gardien de la connaissance, je souhaite que tu exauces mon premier vœu.
A tes ordres, Maître.»
Il eut un petit sourire narquois et sans plus de cérémonie plaça une main sur mon front. Aussitôt, je vis un homme au corps moisissant, entourés de centaines de Gossi, tournant autour de lui en brillant comme autant de lucioles. Je vis la grotte dans laquelle il se trouvait, puis le chemin pour s’y rendre, puis le monde sur lequel se trouvait ce chemin, puis je vis apparaître un portail dans une ruelle à côté de laquelle nous étions passés plus tôt.
Cela faisait quelques minutes que nous étions sortis de chez Foktor et le groupe discutait encore de comment accomplir la tâche qui venait de nous être confiée. Je m’étais écarté pour discuter avec Zelim, si bien que je revins en plein milieu de la conversation. Zapar le prêtre était en train de parler : « Cro, je te connais depuis quelques temps et je sais que tu es un très bon chasseur, probablement meilleur que tu ne le penses. N’y a-t-il vraiment rien que tu puisses faire pour trouver les Gossi disparus ?
Je suis capable de suivre la plupart des pistes, mais là, il n’y en a pas. Vous avez entendu le Gengrim comme moi, si avec toutes ses ressources il n’a pas pu trouver de chasseur capable de repérer une piste. Je ne pourrais absolument rien faire, répondit Cro.
Le, ta magie peut-elle nous aider à trouver ce qui est caché ? interrogea Dragonlips.
Malheureusement, je ne connais pratiquement que des sorts de nature offensive ou défensive, rien qui puisse nous aider à trouver quoique ce soit. »
J’hésitai un peu avant d’entrer dans la conversation. Je ne tenais pas spécialement à tout révéler sur le démon à l’intérieur de moi, même s’ils connaissaient son existence, je doute qu’ils aient confiance dans ses informations. Comme souvent, Leonae me remarqua avant que j’aie le temps d’ouvrir la bouche. Informant le groupe que j’avais quelque chose d’important à dire. Maintenant que tous étaient tournés vers moi, attendant, je n’avais pas d’autre choix que de me lancer. «Je sais où trouver les Gossi disparus. Il y a un portail dans une ruelle non loin, il faut qu’on l’emprunte pour nous rendre sur le bon monde. De là, un chemin nous mènera à une grotte dans laquelle se trouve ce que l’on cherche.
Sans vouloir te vexer, intervint Zapar, ton information semble sortir de nulle part.
Sauf bien sûr si c’est le démon à l’intérieur de ton esprit qui te l’a donné, reprit Dragonlips. Si c’est le cas, j’ai bien peur qu’on ne puisse pas avoir confiance en lui.»
Cette fois, la discussion cherchait à déterminer si on pouvait avoir confiance en un démon ou non. Zelbe intervint pour clore l’argumentation : «Ce n’est pas n’importe quel démon qu’abrite le corps de notre jeune allié. Je peux le sentir, sa puissance excède la mienne comme le soleil surpasse la flamme d’une torche. C’est Zelim, le gardien de la connaissance. Il ne ment pas, car il n’en a pas besoin, il obtient toujours ce qu’il veut. Quel que soit la valeur de l’information que tu viens de nous donner petit garçon, tu n’aurais pas dû l’obtenir auprès de lui.» Alors qu’elle prononçait ces propos, je pouvais voir Zelim assis non loin. Il souriait.
Je les menai jusqu’à la ruelle que j’avais vu, et effectivement il se trouvait à l’intérieur un portail dissimulé derrière un faux mur. Si je n’avais pas su qu’il y avait quelque chose, j’aurais pu chercher pendant une heure juste à côté sans rien trouver. Quiconque avait dissimulé ce portail était particulièrement doué. Alors que nous étions encore en train d’inspecter cette porte, une Gossi passa juste sous notre nez pour aller de l’autre côté. A partir de là, il n’y avait plus guère de doute à avoir, alors nous sommes passés, Zapar prenant la tête du groupe. De l’autre côté, nous arrivâmes sur une étrange planète semblant être principalement constituée d’un désert. Ou du moins, le portail donnait sur une portion désertique de ce monde. Le chemin que m’avait montré Zelim n’était pas aussi évident que je ne l’aurais cru. Pour être tout à fait honnête, je ne le distinguais absolument pas dans toute la poussière et le sable ambiant. Cro eut le bon réflexe en repérant la Gossi qui venait juste de passer. Il fallut courir pour ne pas la laisser nous distancer, surtout dans la mesure où elle avait déjà une certaine longueur d’avance. Mais bien assez vite, nous étions à la grotte que j’avais vu. Je les arrêtais, les prévenant que c’est à l’intérieur que se trouvait notre cible. Qui plus est, j’avais bien besoin d’un peu de temps pour reprendre mon souffle. Ce qui nous donna un peu de temps pour établir un semblant de stratégie, laquelle était très simple : trouver et neutraliser celui qui enlevait les Gossi et s’arranger pour tous les ramener en bon état à Foktor.
La grotte était particulièrement sombre. Fort heureusement, pour les magiciens comme Le, faire de la lumière constitue la première leçon de leur apprentissage des arcanes magiques. C’était loin d’être parfait, mais c’était mieux que rien. J’ai quand même trébuché sur une ou deux roches un peu trop pointues et j’ai même failli me tordre la cheville. Leonae avait également quelques difficultés à se déplacer dans un tel environnement. Jusque-là, j’étais parti du principe que même sans ses yeux, elle avait appris à voir en se servant de ses autres sens. Mais à la voir tituber parmi les rochers, il m’apparaissait maintenant évident que sa cécité était un réel handicap. A partir de ce moment, j’ai cessé d’être complètement confiant à chaque fois qu’elle encochait une flèche dans son arc. Jack l’aida à se déplacer sans trop de difficultés, jusqu’à ce que nous rencontrions un obstacle de taille. Au bout du chemin, la grotte se rétrécissait de plus en plus, jusqu’à ne former qu’un minuscule tunnel par lequel ne pouvait passer qu’un gnome, un petit nain ou un enfant humain. Et encore, en rampant. Dans le groupe que nous formions, j’étais le seul à remplir l’une de ces cases. Il y eut une courte discussion sur la procédure à suivre, Le commençant avec la subtilité que lui apportaient ses arcanes magiques : « Je pourrais agrandir ce trou en détruisant une partie de la roche.
Tu risquerais de tuer des Gossi, intervint Dragonlips. Si on en perd trop, Foktor considérera notre mission comme un échec et nous perdrons l’information.
Le petit pourrait toujours demander à son démon. S’il a pu trouver cet endroit, il devrait pouvoir localiser le fils d’Orion, fit remarquer Zapar.»
Je jetais un œil sur le côté. Caché à moitié dans l’ombre, Zelim rigolait. Se moquant de moi qui n’avais pas su penser à cette requête plus tôt. Je venais de gâcher un vœu, et il me donnait clairement l’impression d’y avoir pensé dès le début. A l’avenir, je devrais être beaucoup plus malin. Zelbe intervint en ma faveur : « Je le redis, Zelim est très dangereux. Je ne peux que vous conseiller de limiter au maximum les interactions avec lui. S’il semble se contenter d’observer, il vaut mieux le laisser faire.
Je suis d’accord avec Zelbe, mais qu’en est-il pour le passage ? Interrogea Jack.
C’est bon, répondis-je, je vais y aller.
Tu es brave, Lorkhan Poney de la Terre, déclara Leonae. Avant d’y aller prends cette dague dans l’espoir qu’elle puisse te protéger en cas de danger. »
La dague en question était magnifique. Sur la garde se trouvait le symbole d’une balance, rappelant l’emblème des justes. L’inscription se trouvant sur la lame n’avait pour moi aucune signification. Mais je jugeais que ce n’était pas le moment de s’interroger là-dessus. Ma nouvelle arme en main, j’entrepris de ramper dans le petit trou.
Avant de passer par ce petit tunnel, je n’étais déjà pas fan des toiles d’araignées et des insectes aux nombreuses pattes en tous genres. Après, c’était encore pire. Le passage devait bien s’étendre sur dix mètres, et il grouillait de vies. Des mille-pattes, des araignées, des vers et de nombreuses autres espèces dont j’ignore le nom. Certaines de ces bêtes brillaient d’une faible lueur phosphorescente, me permettant de voir à peu près où j’allais. Je pouvais éviter de poser la main sur un ou plusieurs insectes, mais ça ne les empêchait pas, une fois ma main posée, de grimper dessus. A de nombreuses reprises, mon avancée fut stoppée net parce que je devais me secouer la main pour faire partir ce qui rampait dessus. Souvent, je ne pouvais pas réellement voir de quoi il s’agissait, ce qui était une très bonne chose. Mais je pouvais néanmoins sentir le contact de leur chair visqueuse. La dague que je cramponnais plus fort que nécessaire ne me servait absolument à rien dans cette situation. Après avoir rampé à peine un mètre, j’ai essayé de demander aux petites bêtes d’arrêter de me grimper dessus, espérant qu’elles sachent communiquer d’une part, et qu’elles parlent ma langue d’autre part. Je n’obtins aucune réponse. Arrivé à peu près à mi-chemin, j’entendis la voix de Jack derrière moi : « Sans vouloir te presser Lorkhan, on commence un peu à s’ennuyer par ici. Qu’est-ce que tu vois ?
Je ne suis pas encore arrivé au bout ! Y a des insectes partout qui me grimpent dessus ! Y en a même qui me rentrent dans le pantalon ! criais-je, désespéré, avant de fermer aussitôt ma bouche lorsque je sentis une araignée se déplacer sur ma joue.
Tu ne peux rien faire d’autre que te dépêcher, intervint Cro. D’après mon expérience, aucune de ces bêtes n’a envie de rester sur ton corps. Elles partiront dès qu’elles auront trouvé un endroit plus hospitalier.»
J’ignorais quelle était l’expérience dont il parlait, mais dans tous les cas, il paraissait évident que la meilleure chose à faire était d’avancer le plus rapidement possible. Alors j’ai doublé de vitesse, faisant toujours un maximum attention où je posais les mains, je n’ai pas pu continuer d’éviter tous les insectes. Je me suis aussi éraflé le coude droit et méchamment brûlé le torse en le frottant trop vite contre le sol. Mais J’ai finalement réussi à surmonter cet obstacle.
Le passage donnait sur une grotte faisant probablement une dizaine de mètres de long et de large. Le plafond s’élevait un petit peu au-dessus de ma tête. Le tout était illuminé par ce que je compris être des centaines de Gossi. Je restais quelques instants la bouche béante, ne sachant comment réagir à ce que je voyais. Je sentais à peine les insectes quitter les étendues de ma peau pour se diriger vers la chose en face de moi. C’était un homme. Ou en tout cas, ça avait été un homme. Maintenant, c’était un corps à un stade avancé de décomposition. Sa peau était d’un gris violacé particulièrement étrange. Son bras droit était en train de se détacher, il ne tenait plus que par un bout de peau étirée d’une manière immonde. Je manquais de vomir lorsque l’odeur atteint mes narines. Et pourtant, je décidai de m’approcher. Prudemment, je fis un pas, puis un autre. Quelque chose m’attirait, sans que je sache réellement quoi. Puis, je tombai sur mes fesses lorsque le cadavre s’anima. Paniqué, je rampais en arrière, me retrouvant rapidement dos au mur sentant le petit trou par lequel j’étais passé. La tête devant moi bougeait, sans réellement se contrôler. D’abord penché sur la gauche, elle se balança d’un mouvement brusque pour se retrouver penchée de l’autre côté. Elle demeura immobile un moment avant de se remettre en mouvement pour se retrouver un peu trop en arrière contre la paroi de pierre. Le choc fut si puissant que le crâne parut se coller au mur. Ses yeux brillaient d’un rouge étrange. La bouche s’ouvrit pour parler et resta bloquée ainsi. J’entendis les mots directement dans ma tête : « Voilà bien longtemps que je n’ai pas eu de visiteurs. Excuse mon apparence, je suis mort bien avant la naissance de tout ce qui vit actuellement. » Il me fallut un petit moment avant d’oser parler. Mais je finis par me remettre sur mes pieds pour avancer de deux pas et mieux voir mon interlocuteur. Je tenais toujours à la main ma nouvelle dague, prêt à m’en servir si besoin. «Qu’est-ce que tu es ?
Je ne suis pas dangereux. Et quand bien même, penses-tu que ta dague aurait un quelconque effet sur mon corps ?
Ça fera la même chose que dans n’importe quel corps, ça le coupera. Et si tu n’as plus ni jambes, ni bras, ni têtes, je serais déjà un petit peu plus en sécurité.»
Le silence retomba. Pendant un court moment, je crus l’avoir vexé. Puis, je remarquai l’activité des Gossi qui jusque-là s’étaient contentés de tourner en rond au ralenti. Elles étaient maintenant en train de virevolter dans tous les sens autour du cadavre. Il semblait les écouter, puis il se remit à parler : «Je sais qui tu cherches, et je sais où le trouver. Comme toute chose de valeur, l’information que je détiens à un prix.
Je croyais l’avoir déjà payé en te trouvant. Le Gengrim Foktor a promis de m’indiquer où se trouve ce que je cherche si je retrouvais ses Gossi disparus pour les lui ramener. La première étape me semble accomplie.
Alors tu es chanceux, car la deuxième étape peut être remplie facilement en m’accordant ce que je souhaite.»
Je réfléchis quelques instants. Négocier avec un cadavre paraissait insensé. Mais d’un autre côté, je n’avais pas la moindre idée de pourquoi les Gossi étaient là, et donc j’ignorais comment les ramener avec moi. J’acceptais donc sa proposition : «Dans ce cas, si je peux payer le prix que tu demandes, je le ferai.
Je souhaite que tu m’aides à sortir de cette grotte. J’ai été bloqué ici pendant bien trop longtemps, incapable de bouger, incapable de voir au-delà de cette grotte, incapable d’entendre autre chose que le bruit des insectes rampants. Les Gossi m’ont permis de rester en contact avec l’extérieur, mais j’ai besoin de marcher à nouveau à l’air libre.
Ça semble raisonnable. Mais comment est-ce que je peux faire ça ?
J’ai besoin que tu me prête ton corps.»
Je n’ai pas répondu tout de suite. Parce que je ne comprenais pas ce qu’il venait de dire. Est-ce qu’il voulait me posséder ? Si c’était le cas, ça allait sans aucun doute mettre un sacré bazar avec le démon qui squattait déjà à l’intérieur. Avant de faire quoique ce soit d’irréfléchi, il fallait que j’en apprenne un petit peu plus sur ce qu’il voulait exactement.
«Qu’est-ce que tu veux dire quand tu me demandes de te prêter mon corps ?
J’ai besoin d’une enveloppe dans laquelle transférer mon énergie vitale. Une enveloppe capable de contenir ma force et suffisamment petite pour sortir d’ici. Une fois dehors, je pourrais trouver un autre moyen de transport et te rendre ton corps.
… Est-ce que ça fera mal ?
Je ne suis pas sûr, je n’ai encore jamais effectué la procédure sur un être vivant consentant.
A ce stade tu devrais peut-être essayer de me rassurer.
Je ne souhaite pas te mentir. Dans l’état dans lequel je suis, j’ignore quel effet j’aurai sur ton organisme. Je vis à travers mon sang. C’est lui, combiné à ma force magique, qui me permet de parasiter un cadavre et le faire se déplacer. Du moins, lorsqu’il tient encore debout. Sur un être vivant, mon sang va devoir se mêler au tien, ce qui aura probablement des conséquences sur ton métabolisme. Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour limiter les dégâts potentiels.»
L’image qu’il était en train de me dresser ne m’attirait absolument pas. Sans parler du côté étrange de la chose, l’idée d’avoir du sang qui ne m’appartient pas en train de se balader dans mon corps me rebutait. Ajouter à cela le fait que ce sang serait vivant et conscient, ma réaction naturelle était de refuser. Mais au lieu d’agir de manière égoïste, je me forçais à réfléchir à l’intérêt du groupe dans lequel je me trouvais maintenant. Ce qui m’amena à poser la question suivante : «Si j’accepte, comment les Gossi rentreront elles chez Foktor ?
Elles me suivront où que j’aille. Une fois arrivé à destination, je pourrai les relâcher pour qu’elles reprennent leurs activités comme s’il ne s’était jamais rien passé.
… Très bien, dans ce cas, j’accepte ta requête.»
A peine avais-je donné mon consentement que le cadavre se figea. La lumière dans ses yeux disparut et petit à petit je vis des filets de sang quitter le corps pour se diriger vers moi. Ignorant ce que je devais faire, je restai immobile. Bientôt, le liquide rouge fut sur moi, grimpant sur mes jambes. Il était froid et épais au toucher, je me forçai à rester immobile. Il continua le long de mon torse et de mon dos, semblant m’entourer complètement jusqu’à ce qu’il entre enfin par ma bouche, mon nez, mes oreilles et mes yeux. Ce n’était pas réellement douloureux, ou en tout cas ce n’était pas une forme de douleur que j’ai l’habitude de ressentir. Je me sentais paralysé, incapable de faire quoique ce soit. Je sentais mon corps trembler, mais je ne sentais plus rien, comme si j’avais été anesthésié. Il m’apprit plus tard que c’est exactement ce qu’il avait fait. Utilisant sa magie pour bloquer mes nerfs afin que je ne ressente aucune douleur. Lorsque ce fut fini, je pouvais de nouveau bouger. Mais mon corps était toujours engourdi. Sous ma peau, j’avais l’impression de sentir le mouvement de plusieurs rivières partant de mon cœur pour aller vers toutes mes extrémités. Ça semblait logique, s’il s’était mêlé à mon sang il devait voyager à travers tout mon corps extrêmement vite. Rapidement, je m’aperçus que ce n’était pas que ce qu’il y avait sous ma peau que je ressentais plus intensément, c’est tout ce qui m’entourait. Le long du tunnel que j’allais devoir retraverser, j’entendais chaque mouvement de chaque insecte individuellement. La luminosité de la grotte n’avait pas changé, pourtant je pouvais voir bien mieux qu’auparavant. L’odeur du cadavre était toujours là, mais maintenant je pouvais distinguer celle de la chair pourrie de celle des vêtements décomposés. Il me fallut une minute pour m’ajuster, puis j’entrepris de ramper de nouveau pour quitter la grotte. Cette fois, je rangeai la dague en la coinçant dans ma ceinture. Je n’allais plus en avoir besoin. Sur le chemin, les insectes me grimpaient dessus de la même manière qu’auparavant. Je pouvais sentir leur contact de manière bien plus précise qu’auparavant, même sur mes vêtements. Mais ça ne me gênait plus. Lorsqu’ils passaient, j’avais presque l’impression qu’ils faisaient partie intégrante de mon être. Très vite, j’étais de nouveau de l’autre côté.
«Alors ? Qu’est-ce que tu as trouvé ?» interrogea Jack. En guise de réponse, je me suis écarté pour laisser place aux nombreuses Gossi qui me suivaient. « Voilà une bonne chose de faite, déclara Zapar, plus qu’à les ramener à Foktor et on saura enfin où se trouve Orion.
Le plus important est toujours de retrouver Malie, intervint Zelbe.
D’après ce que tu nous as dit, il semblerait que c’est ce prétendu Orion qui l’a enlevé. Si on parvient à le trouver, on devrait pouvoir retrouver Malie.»
Ils se mirent aussitôt en route, mais je demeurai immobile, hésitant. J’ignorais si je devais leur parler du cadavre et du sang qui se trouvait maintenant à l’intérieur de mon corps. Ça semblait être une information importante, mais est-ce qu’ils allaient comprendre? Leonae sembla remarquer que je n’avançai pas. Pour une elfe aveugle, elle ne laissait pas passer grand-chose. « Est-ce que ça va Lorkhan ?
… Il y avait quelque chose d’autre dans la grotte.
Peux-tu être plus précis ? interrogea Le.
C’était un cadavre animé par une force magique étrange. Je ne sais pas vraiment comment l’expliquer mais c’est son sang qui se trouve maintenant à l’intérieur de mon corps. Quoique ce soit, c’est ça qui est responsable de la disparition des Gossi. Et c’est parce qu’il est à l’intérieur de mon corps qu’elles me suivent.
Si tu continues comme ça, petit, y aura plus de monde à l’intérieur de ton corps que sur le grand champ de bataille. Fit remarquer Zapar qui semblait ne pas vraiment me croire.
Ce qu’il dit est vrai, il y a une nouvelle énergie à l’intérieur de son corps. Quelque chose que je n’avais pas senti avant, analysa Le.
Est-ce que c’est une force hostile ? interrogea Jack.
Non, répondis-je, au contraire, elle m’a permis d’affuter mes sens.
Dans ce cas, on s’en occupera un peu plus tard, il faut éviter de perdre du temps pour retrouver la fille.»
Nous mettant ainsi d’accord, nous repartîmes et furent très vite arrivé chez Foktor. Celui-ci était plus que satisfait de retrouver ses Gossi et ne chercha même pas à savoir la cause de leur disparition. Je n’ai réalisé que plus tard que c’était probablement pour la simple et bonne raison que ses Gossi devaient lui avoir dit. Le Gengrim déclara la chose suivante : «Vous avez rempli votre part du marché, alors l’information que je détiens est à vous. L’homme que vous recherchez a établi sa base sur un monde de la Compassion, mes associés vous fourniront le plan précis pour que vous n’ayez aucune difficulté à le trouver. Mais méfiez-vous, car il est considéré comme un héros par plus de personnes que vous ne pourriez en compter. Et à juste titre.
Aucune importance, il détient quelqu’un que nous devons sauver à n’importe quel prix, répondit Zapar.»
La conversation se termina ainsi. En tout cas, pour le groupe. Mais Foktor me demanda de bien vouloir lui accorder une audience privée avant de repartir. A son ton, il était clair que je n’avais pas vraiment le choix. Mais puisqu’il souhaitait me donner l’illusion que je l’avais, je jouais le jeu en acceptant. Il me fit entrer dans son bureau dans lequel il n’y avait plus que nous. Et il me tendit un bracelet très fin. « Ceci est un bracelet d’engagement. Mets-le à ton poignet et tu garderas constamment un lien avec moi. Il n’a qu’un seul pouvoir : si tu romps ta promesse envers moi, il réduira ton petit corps chétif en cendres, puis il explosera pour tuer tous ceux qui se trouveront autour de toi. Si tu essaies de l’enlever, il considérera que tu brises ton engagement et l’effet que je viens de te décrire se déclenchera. Et comprends bien que ce n’est pas uniquement ta vie qui est en jeu, le rayon de l’explosion est largement suffisant pour détruire une petite ville.
J’ai accepté de payer le prix que tu m’as proposé, je ne reviendrais pas sur ma parole. Mais si tu as besoin de me faire porter ce gadget pour t’assurer de ma bonne foi, je le ferai.»
Sans plus de cérémonie, il saisit brutalement mon avant-bras et y plaça le bracelet, lequel se referma comme une paire de menottes. Il était serré, si bien qu’il m’aurait été impossible de l’enlever si je l’avais voulu et il ne présentait aucune ouverture pouvant être forcée. En levant les yeux, je vis Foktor sourire. Dans un coin de la pièce, le démon que moi seul pouvait voir me regardait. Comme à son habitude, Zelim souriait.
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