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Chapitre 10 : Celui qui regrette

  • Photo du rédacteur: lorkhanponey
    lorkhanponey
  • 15 juil. 2017
  • 18 min de lecture

« Monsieur, si vous faites ça, si vous le libérez, des millions d’innocents mourront.

  • Et si je le laisse enfermé ? Si je ne fais rien ? Combien mourront alors ?

  • Vous ne pouvez pas sérieusement prendre ce risque ? Qu’est-ce qui se passera si ça n’arrête pas la guerre.

  • Vous plaisantez ? Une telle puissance ? Bien sûr que ça va arrêter la guerre. Ils seront tous trop effrayés pour penser à se battre. Ils iront se coucher chaque soir, se demandant s’ils seront les prochains. Un million de vies éteintes en un instant, par une force qui pourrait revenir à n’importe quel moment. Croyez-moi, ça arrêtera la guerre. »

Le temps est enfin venu de vous expliquer ce qu’est réellement le Monde la Guerre. Le lieu de la Bataille Eternelle. Huit Plans s’opposant dans un conflit mortel qui ne peut jamais s’arrêter. Tout ça à cause de la Prophétie. Juste quelques mots sur un bout de papier. Personne ne sait qui les a écrits. Personne ne sait quand ils ont été écrits. Mais tout le monde les craint. Ils ont été traduits de nombreuses fois. Voici la version que j’ai le plus souvent entendue :

Sur le monde au centre de tout

Aura lieu la bataille éternelle

Peu importe qui s’affronte

Les combats ne devront jamais cesser

Si c’est le cas, alors toute vie s’arrêtera

Car le destin de la magie est lié à la guerre sans fin.

Ces six lignes ne comportent aucune rime, aucune figure de style, aucun élément destiné à enjoliver le texte. Car seul compte le sens : si la guerre s’arrête, toute vie s’arrêtera. Imaginez des êtres, venus de différents univers unis par une bataille qu’ils ne peuvent ni gagner ni perdre. C’est précisément la situation ici. Tout le monde craint qu’un clan devienne trop puissant et essaie de gagner la guerre, ce qui fut le cas de celui du grand Necro. Je vous ai déjà parlé du Plan de la Vie, et de sa disparition. Il est temps que je vous explique les circonstances exactes de sa destruction. À l’origine, Necro était un Farghot assez ordinaire, à l’exception de son immense potentiel et de sa destinée hors du commun. Il est difficile de savoir exactement comment il est parvenu à devenir le magicien le plus puissant de son plan, nombres des détails de son histoire sont perdus et ce probablement à jamais. Le récit le plus complet à son sujet commence lorsqu’il a découvert son intérêt pour la mort, et son pouvoir sur ceux dont il ôtait la vie. Car les cadavres qu’il semait dans son sillage se relevaient pour le suivre dans sa quête sans fin. Une fois qu’il a compris ce qu’il était capable d’accomplir, il a décidé de mettre un point final à la guerre. Depuis longtemps, il était persuadé que la prophétie était un mensonge, qu’elle ne se réaliserait jamais. Il savait, au fond de son être que la grande bataille devait trouver son vainqueur. Et ce serait lui.

Ainsi commença l’Année de la Destruction. Car c’est tout ce qu’il lui faut, une année entière pour tuer tous les êtres vivants de son Plan. Levant ainsi une armée plus grande que quiconque ne pouvait le concevoir. Le prix à payer, la destruction du Plan de la Vie, était un sacrifice nécessaire pour arrêter le plus grand massacre de tous les temps. Quand il arriva sur le Monde de la Guerre, il répandit la mort sans que rien ne puisse l’arrêter. Jusqu’à l’arrivée de sept êtres venus de lieux inaccessibles pour les mortels. Ces combattants, plus puissants que les dieux eux-mêmes, se faisaient appeler les Entités. Les trois principales représentaient le Temps, la Mort et la Vie. Ils avaient le contrôle complet sur ces éléments, et si on en croit la légende, ce sont eux qui ont créé l’univers lui-même et tout ce qu’il abrite, y compris les dieux. Les quatre autres, contrôlaient les éléments : le feu, l’eau, l’air et la terre. Ils firent un massacre dans les rangs de Necro, mais ses combattants étaient trop nombreux. Tellement nombreux en fait qu’il n’existait qu’une seule stratégie viable pour mettre un terme à la menace. Il fallait couper la tête du serpent, tuer celui qui permettait à tous ces cadavres de marcher. L’entité de la Mort, confiante dans sa puissance, décida d’abattre sa légendaire faux sur le leader. D’un geste, il brisa l’arme sacrée, celle-là même qui avait causé la mort de tant de personnes que nul ne serait capable de les compter. Necro ne s’arrêta pas là, il s’avança vers son adversaire et d’un geste rapide le transperça de son bras. C’était insuffisant pour tuer la Mort, mais suffisant pour la ralentir. À peine l’entité avait-elle mis le genou à terre qu’une centaine des soldats zombies se jeta sur elle. Aucune de leurs attaques n’aurait pu la tuer, mais l’objectif n’était pas là. Dans n’importe quel combat, l’élément clé est la maîtrise du temps. En ralentissant son adversaire, on a la possibilité de préparer des tactiques plus ambitieuses. Necro invoqua un sort que personne n’avait encore jamais vu. Il invoqua la vie elle-même et s’en servit comme d’une arme contre la mort. L’entité brûla progressivement sous les coups qu’elle recevait, chaque blessure la ralentissant un peu plus. Chaque attaque plus difficile à éviter que la précédente, jusqu’à ce qu’enfin elle capitule. La légende est floue sur ce qui s’est réellement passé, c’était comme si l’entité de la mort avait repris vie, comme si elle avait ressuscité. L’instant d’après, son adversaire se servit de son propre sang comme d’une arme (rappelez-vous que c’est un Farghot) pour tuer l’entité une bonne fois pour toutes.

Necro était un maître stratège, maîtrisant l’art du combat comme personne auparavant. Je vous ai dit que l’élément le plus important d’un combat, c’était le Temps. Alors, le Temps était le seul à pouvoir le battre. La plus puissante des entités entra dans la confrontation, suivie par les éléments. Ensemble, ils combattirent sans relâche dans une lutte finale qui dura plusieurs jours. Peu à peu, ils prirent l’avantage sur celui qui prétendait arrêter la guerre, mais ils n’auraient probablement pas pu gagner sans l’aide de Sam’ell. Rappelez-vous qu’il se trouvait sous la forme de sang dans un pendentif autour du cou de Necro. Eh bien, lorsque le moment propice arriva, il se servit de son énergie pour sortir de sa prison de cristal et pour frapper son ancien camarade. Il n’était guère plus imposant qu’une goutte de sang sous cette forme, mais ce fut suffisant pour distraire sa cible pendant une seconde. Une seconde qui scella son destin. Les quatre éléments démembrèrent Necro pendant que le Temps le décapitait. Aussitôt, son armée s’effondra, ses soldats redevenant les cadavres sans vie qu’ils étaient. Cette crise passée, les entités disparurent de nouveau et la guerre reprit son plein. Cet évènement fut marqué dans la légende comme « la terrible bataille ». Il eut une conséquence que personne n’aurait pu prévoir. À travers les plans, au fil des générations, il répandit une graine dans l’esprit d’êtres extraordinaires. Une idée très simple aux fruits très dangereux, celle que la guerre pouvait être arrêtée et que peut-être la prophétie n’aurait pas lieu.

Une de ces graines de destruction germa dans l’esprit d’un homme au destin tout sauf ordinaire : Jack. La première particularité du héros de cette histoire, c’est que personne ne sait qui sont ses parents, pas même lui. D’ailleurs les détails de son enfance sont absents des livres d’Histoire, lui-même n’ayant aucun souvenir de sa vie avant l’âge de vingt ans où il était déjà un puissant guerrier. Une autre particularité, c’est qu’il ne semble avoir aucun pouvoir, sinon le fait qu’il soit incroyablement doué dans l’art de la guerre. Soldat, il ne le fut pas longtemps, car son potentiel de stratège n’échappa pas longtemps à ses supérieurs. Rapidement, il prit les commandes d’une armée des Purs. Bataille après bataille, victoire après victoire, Jack aiguisa son talent. À l’âge de cinquante ans, il n’avait jamais perdu un combat, quelle qu’en soit l’échelle. Il lui arriva ensuite ce qui arrive à tous les généraux trop efficaces, le clan des Anciens le remarqua. Une armée spéciale fut formée avec le seul objectif de l’éliminer de l’échiquier. Les rumeurs racontent qu’un des dix anciens eux-mêmes se joignit au combat pour assurer la mort du général. Dire que ce fut sa première défaite serait un doux euphémisme. Ce fut un massacre ordonné, l’armée de Jack n’ayant aucune chance et ce dès le lancement des hostilités. Lui, se retrouva face à l’un des dix, plus puissants qu’un dieu. Ses chances de survie étaient inexistantes s’ils s’engageaient dans le conflit, et ça, il le savait. Il fit le seul mouvement qui lui était possible, il prit la fuite. Les Anciens, satisfaits d’avoir défait son pouvoir, décidèrent de ne pas le prendre en chasse. Mais ils s’assurèrent que tous les Plans sachent quel couard Jack était réellement. Ce que notre héros n’apprécia pas du tout.

Son honneur bafoué, il n’avait pas beaucoup de choix pour le restaurer. Il devait affronter l’ennemi devant lequel il avait dû fuir. Il n’avait pas à le battre, ni même à le défier dans un combat honorable. Il devait simplement l’attaquer, le blesser et repartir vivant. Bien sûr, il fallait des témoins, si bien que le meilleur moment pour frapper serait à la Fête des Enterrés. Un évènement qui avait lieu sur un terrain neutre du Monde la Guerre et ayant pour objectif de commémorer le sacrifice des nombreux soldats ayant donné leur vie pour que la Prophétie ne s’accomplisse pas. Selon la tradition, un match était organisé et le vainqueur pouvait défier en duel n’importe qui. C’était souvent l’occasion pour de farouches guerriers de tester leurs forces contre des dieux, des juges ou des capitaines purs. Une fois inscrit sous un faux nom, à savoir Lorkhan, Jack passa avec une grande facilité les éliminatoires. C’étaient des combats opposant une dizaine de guerriers à la fois, le dernier debout étant celui qualifié pour les étapes suivantes. Malgré la taille réduite du ring, aucun ne parvint ne serait-ce qu’à toucher Jack. Lui décida de ne pas réellement commencer à se battre, économisant ses forces pour la suite. Il se contentait d’esquiver habillement, attendant que ses adversaires s’éliminent entre eux. Quand il n’en resta plus qu’un, un coup de pied dans la nuque avec la force d’un éléphant fut largement suffisant pour se qualifier pour la suite des évènements.

La deuxième épreuve était une épreuve d’agilité plus qu’autre chose. Vingt-cinq piliers hauts de dix mètres étaient disposés dans un ordre chaotique. Vingt combattants s’étant qualifiés étaient placés au sommet de ces bouts de bois dont la largeur ne permettait de placer qu’un pied. Toutes les cinq secondes, l’un des piliers tombait jusqu’à ce qu’il n’en reste qu’un. Quiconque se tiendrait debout dessus serait sélectionné pour l’étape suivante. L’idée de l’épreuve était bien sûr d’éjecter ses opposants tout en se déplaçant habillement pour au final rester le seul debout. Le signal de départ lancé, Jack fit ce que personne n’avait anticipé. Au lieu d’attendre que les piliers tombent un par un, il décida de les faire tomber lui-même. Sautant habillement sur le côté de chaque colonne, il mettait suffisamment de force à chaque bond pour déséquilibrer les morceaux de pierre. Il fit cela jusqu’à ce qu’il n’en reste qu’un sur lequel se tenaient difficilement deux personnes. Il n’eut aucun mal, puisqu’il venait par le bas, à attraper leurs jambes pour les faire tomber et ensuite monter seul au sommet. Beaucoup trouvèrent cette technique peu honorable. Mais rien dans les règles ne l’interdisait, et elle avait le mérite d’avoir accéléré l’épreuve. Cette stratégie fut d’ailleurs reprise par 4 des 9 autres groupes cherchant à se qualifier pour la troisième étape, avec plus ou moins de succès.

Si vous avez fait le calcul, vous avez compris que l’épreuve des piliers s’était déroulée dix fois et qu’il y a eu autant de qualifiés pour la dernière phase éliminatoire. Autant une démonstration de force que d’agilité, d’intelligence, de finesse et même d’observation, la dernière épreuve était une course dans une forêt enchantée. Plusieurs mages avaient placé nombre de pièges et protections magiques sur tout le chemin qui menait au centre, endroit où se trouvait l’épée plantée dans la roche. Cette arme magique, forgée par les anciens eux-mêmes, était la récompense du tournoi et autorisait à défier n’importe qui parmi les présents. À peine parti, Jack comprit qu’il n’était pas le plus rapide, ni le plus agile, le plus intelligent ou le plus fort. En fait, il n’allait probablement pas gagner l’épreuve en comptant sur ces caractéristiques de manière séparées. Il allait devoir les assembler de la meilleure manière possible. Il comprit également que la forêt était son plus grand ennemi pour cette épreuve. Le signal de départ n’avait retenti que depuis vingt secondes, mais déjà deux personnes différentes semblaient avoir été éliminées. De là où il se trouvait, Jack ne savait pas par quoi, et il n’avait pas le temps de le découvrir. Il avança prudemment, cherchant à repérer les pièges avant de tomber dedans, il parvint à en esquiver un premier, puis un deuxième et même un troisième. Mais lorsqu’un arbre s’anima devant lui, il fut pris de court. Une roulade sur le côté lui permit d’esquiver une branche, mais il encaissa la deuxième de plein fouet. Il n’avait aucune arme, car c’était le règlement de l’épreuve, et pas assez de force pour engager le combat à main nue. Faute de trouver une autre idée, il dut encaisser un autre coup tout en s’en servant comme moyen de propulsion pour s’éjecter à l’abri des attaques suivantes. Une fois suffisamment à l’écart, il se rétablit rapidement et continua son chemin. Il fut contraint de s’arrêter de nouveau lorsqu’il tomba nez à nez avec l’un des autres concurrents. Un nain aux muscles tels des troncs d’arbres et qui avait apparemment décidé d’éliminer lui-même les autres candidats. Il se précipita sur Jack avec une rapidité surprenante pour sa carrure, mais notre héros était plus vif et plus agile. Il comprit très vite qu’il ne gagnerait probablement pas en combat rapproché. Au lieu de cela, il prit appui sur la tête de son adversaire pour sauter dans les arbres où il continua sa course à l’abri du nain.

L’épée était enfin en vue, bien qu’encore éloignée. La victoire à portée de main, Jack redoubla d’efforts. Se déplaçant comme Tarzan, il parvenait à se servir de lianes pour se propulser en avant. Arrivé à vingt mètres de sa cible, il atterrit dans une clairière. Toute la végétation autour de l’épée avait été abattue, ne laissant aucun abri possible. Ils étaient trois à être arrivés en même temps, se regardant dans le blanc des yeux. Ils étaient trop éloignés les uns des autres pour songer à engager le combat. La meilleure stratégie consistait à courir vers le milieu et à saisir l’objectif avant les autres. À ce jeu, Jack allait perdre. L’un des deux autres était un elfe légèrement plus rapide que lui, mais suffisamment pour empoigner en premier l’épée. Il allait devoir le tacler pour le mettre à terre et l’assommer dans la foulée. La manœuvre devant être exécutée suffisamment rapidement pour pouvoir stopper le troisième candidat présent, qui serait juste derrière eux. Une explosion venant de la forêt fut le signal de départ, la course fut effrénée et Jack eut à peine le temps de rattraper l’elfe pour le plaquer avant qu’il n’atteigne le rocher. En fait, il lui sauta dessus alors que sa main était déjà en contact avec la paume de l’épée. Heureusement, il fallait la saisir pour remporter la victoire. L’elfe se défendit, mais il n’était pas très doué pour le combat à main nue et il finit rapidement à terre sans pouvoir se relever. En revanche, le troisième individu, un homme à la masse musculaire en apparence peu développée, présenta un vrai défi. Ce qui lui manquait en force, il le rattrapait par une agilité extraordinaire. Jack était proche de la défaite lorsqu’il aperçut le nain qui chargeait depuis la lisière des bois. Il serait sur eux très rapidement, il suffisait de tenir jusque-là puis de les laisser se battre entre eux pendant qu’il prenait l’épée. Notre héros encaissa un puissant coup qui lui causa une immense douleur dans tout le corps. Mais le reste de son plan se déroula comme il l’avait prévu. Le nabot furieux sauta à l’aveugle, atterrissant sur l’homme qui s’opposait à Jack. Ce dernier ne perdit pas un instant, il n’eut qu’à se retourner pour empoigner l’épée et s’auto-déclarer vainqueur du tournoi. Il n’eut pas le temps d’admirer l’expression déconfite de ses deux adversaires, toujours par terre l’un sur l’autre. Il pointa la lame en direction de l’ancien qui avait détruit son armée et le défia dans un duel.

Personne n’avait jamais osé s’opposer volontairement à un Ancien. Leur magie plus puissante que celle de n’importe quel dieu est suffisante pour repousser les guerriers les plus farouches. Chacun sait que dans un combat contre les dix, il faut gagner dans la première seconde. Au-delà, c’est-à-dire le temps de lancer un sort, la défaite est garantie. Jack, étant le stratège légendaire qu’il était, savait tout cela. Et il avait un plan pour gagner néanmoins. Quand il fut enfin dans l’arène, face à son adversaire, il était plus que jamais prêt à restaurer son honneur. L’un des juges présents lança le début du combat, une seconde passa et Jack fut foudroyé d’un puissant sort, mais rien de mortel. C’était là son plan. Encaisser la première attaque et survivre, il suffisait de faire croire qu’il était hors de combat pour gagner suffisamment de temps pour porter un coup. Il savait que l’Ancien n’irait pas à fond puisqu’il s’agissait d’un duel et non d’un combat à mort. L’éclair était douloureux, il aurait suffi à plonger nombreux guerriers dans le coma, mais notre héros en avait vu d’autres. Une simple pirouette lui suffit à se remettre debout, il courut aussi vite que possible et parvint à porter son attaque. Sa lame se brisa sur la défense magique qui entourait le magicien, mais elle parvint néanmoins à la briser. Après tout, elle avait été enchantée par ses confrères et ils avaient fait un très bon travail. La contre-attaque l’envoya à l’hôpital pendant plusieurs mois. Il n’avait fait que blesser l’Ancien, mais c’était suffisant et il le savait. Son honneur était non seulement restauré, mais grandement amélioré. Nombreux étaient les soldats le suppliant de les accepter dans son armée. Il était redevenu le grand général Jack.

Il ne souhaitait plus appartenir à un clan particulier, dans la mesure où les Purs l’avaient abandonné une fois et où les autres ne partageaient pas les mêmes idéaux que lui. Il s’installa donc dans le Plan des Neutres qui regroupait tout ce qui n’était pas le bienvenu dans les autres univers. Son armée qui grandissait constamment se composait d’anciens soldats, de mercenaires, d’ex-bandits souhaitant mettre leur talent au service de la Prophétie, et même de quelques monstres jugeant que lui seul pouvait les mener à la victoire. Parmi ses troupes, nombreux sont ceux qui pensaient qu’il allait de nouveau tenter d’arrêter la guerre. Mais ayant appris de ses erreurs, il mena chaque bataille en s’adaptant au mieux à l’idéal de la Prophétie. Acceptant de perdre quand il jugeait que c’était nécessaire. De nouveau il devint puissant, mais cette fois il prit garde de ne pas abuser de son pouvoir. Choisissant de séparer son imposante armée pour éviter des victoires trop nombreuses. Le temps passa, chaque défaite qu’il subissait représentait pour lui un sacrifice nécessaire pour ne pas être considéré comme une menace. Cinquante années passèrent de nouveau, les effets du temps semblaient ne pas se manifester sur Jack. Et un jour, il reçut la visite d’un Ancien, celui-là même qu’il avait blessé et celui qui le respectait le plus. Le Conseil des Dix avait choisi de confier à notre héros un secret inconnu de tous, à la condition qu’il accepte d’affecter au moins la moitié de ses forces à la surveillance et la protection du secret en question.

Jack, craignant toujours la puissance des anciens, se sentit obliger d’accepter. C’est comme ça qu’il apprit l’histoire de Elrara, le dragon furieux. N’ayez crainte, je n’ai pas commis d’erreur car il ne s’agit pas d’Elvava, la bête que croisa Cro le chasseur. Aujourd’hui, je veux vous parler de son fils, le destructeur de mondes. Dans les légendes, Elvava est considéré comme le plus puissant de tous les dragons, c’est peut-être vrai mais il a passé le plus clair de sa vie dans une grotte. Son enfant unique quant à lui aimait voyager, en particulier sur le Monde de la Guerre mais également dans les autres Mondes. Il était le seul dragon de l’Histoire à pouvoir se déplacer à travers les Plans. Son souffle mit le feu à tant d’armées, tant de planètes que personne ne pourrait décompter toutes ses victimes. Les Anciens, les Justes, les Purs et ceux de la Compassion s’allièrent dans le seul but de l’abattre, ce qui leur prit six mois de lutte acharnée. Mais finalement, la créature fut éliminée du ciel. Du moins, c’est ce que raconte la légende. Car l’histoire que Jack se vit conter était tout autre. Il apprit que Elrara était d’une espèce très particulière de dragon, portant un lien unique avec la magie elle-même. Sa puissance s’explique par la quantité extraordinaire d’énergie qu’il génère et emmagasine. Le tuer aurait libéré toute cette puissance qui serait suffisante pour détruire la moitié du Monde de la Guerre. Ne pouvant le tuer sans prendre un énorme risque, il fallut l’enfermer dans un endroit secret. Leur plus grande crainte n’étant pas qu’il parvienne à s’échapper mais qu’il tombe entre les mains des érudits de la connaissance. Qui sait ce qu’on pourrait en tirer ?

Jack accepta la mission, ne sachant pas que son destin venait à l’instant d’être fixé. Lorsqu’il participait à la guerre, il voyait la souffrance, la misère qu’il infligeait. Mais ne pas y participer directement, passivement attendre sur le côté. C’était bien pire. Il ne voyait pas non plus la seule douleur qu’il causait, mais celle qui trouvait d’autres responsables. Il ne se concentrait plus uniquement sur ses victimes, mais voyait toutes les victimes sans distinction. Et il ne pouvait rien faire, rien du tout. Sauf, bien sûr, s’il utilisait l’arme qu’il devait protéger. Il était devenu le gardien de ce qui pourrait très bien être la solution. S’il libérait le dragon, s’il lui permettait de nouveau de répandre la destruction sur les mondes et en particulier sur le champ de bataille, cela pourrait arrêter la guerre. Nombreux mourront, mais ce seront des sacrifices nécessaires pour enfin instaurer la paix dans un univers qui ne connaît que la guerre. « Monsieur, si vous faites ça, si vous le libérez, des millions d’innocents mourront.

  • Et si je le laisse enfermé ? Si je ne fais rien ? Combien mourront alors ?

  • Vous ne pouvez pas sérieusement prendre ce risque ? Qu’est-ce qui se passe si ça n’arrête pas la guerre.

  • Tu plaisantes ? Une telle puissance ? Bien sûr que ça va arrêter la guerre. Ils seront tous trop effrayés pour penser à se battre. Ils iront se coucher chaque soir, se demandant s’ils seront les prochains. Un million de vies éteintes en un instant, par une force qui pourrait revenir à n’importe quel moment. Croyez-moi, ça arrêtera la guerre. »

Le bras droit de Jack, son plus fidèle général était persuadé que ça ne marcherait pas. Nécro avait échoué auparavant. Jack lui-même avait déjà essayé de gagner la guerre. Elrara avait déjà semé la terreur et la destruction, mais la Prophétie avait été préservée. « Pourquoi en serait-il autrement cette fois ?

  • Tu voudrais que je continue à observer toute cette souffrance, toute cette destruction, tous ces morts inutiles ! ? Tu voudrais que je devienne un monstre insensible, n’en ayant rien à faire de cette bataille sans but.

  • En quoi est-ce différent de l’époque où vous étiez général ? En quoi est-ce différent de l’époque où vous infligiez vous-même la douleur ? En quoi est-ce différent de l’époque où c’était vous le tueur ? Si vous faites ça, vous n’allez rien arranger, vous n’allez causer que plus encore de souffrance, plus de morts. Tout ce qui brûlera sous le feu d’Elrara sera sous votre responsabilité.

  • Si je fais ça, je dînerai en enfer à tes côtés. Et tu as raison. Beaucoup de mal sortira de cette boîte si je libère le dragon. Mais s’il y a une seule chance de mettre un terme à cette stupide guerre, cette guerre qui dure depuis tellement longtemps que personne ne sait comment elle a commencé. Je sais au fond de moi que ça vaut le coup. Je sais que c’est un sacrifice qui doit être fait, et si personne d’autre ne se dévoue, alors je le ferai. »

Jack commença à ouvrir la boîte qui contenait le dragon sous les yeux de celui qui était son bras droit. Celui-ci ne savait absolument pas quoi faire. Ayant grandi dans le Plan des Anciens, il croyait fermement à la Prophétie. Et même si elle n’existait en réalité pas, rien ne dit qu’Elrara serait suffisant pour arrêter la Grande Bataille. Pourtant, son général l’avait mené bataille après bataille, victoire après victoire. C’était un grand stratège à n’en pas douter. S’il pensait que son plan avait ne serait-ce qu’une chance de marcher, alors pourquoi pas ? Se décidant à agir, il commença à aider son chef à libérer un monstre. « J’espère que vous avez raison Général.

  • Je sais que j’ai raison. »

Il avait tort. Une fois le dragon libéré, il sema mort et destruction sur son passage. Mais il ne savait que trop bien les dangers du Monde de la Guerre, car c’est là qu’il s’était fait capturer toutes ces années auparavant. Après avoir réduit en cendres son ancienne prison et tous ceux qui l’habitaient, il partit à travers les plans, emmenant avec lui son feu. Il s’éloigna un maximum du champ de bataille, ce qui signifie qu’il n’y a aucune chance qu’il mette un terme à la guerre. Le plan de Jack était un échec complet, encore pire que ce qu’avait prédit son bras droit. De nouveau, son armée entière avait été détruite ou presque. Les quelques unités réparties sur le champ de bataille ne tarderaient pas à périr sans instructions de leur leader. Il aurait dû mourir également, mais il se réveilla dans les ruines. Nu, couvert des cendres laissées par ses soldats. Il ne lui fallut pas longtemps pour comprendre que c’était là son pouvoir. Il ne pouvait pas mourir. Nombreux sont ceux qui considéreraient cela comme un don de la vie elle-même. Mais Jack savait ce qu’il en était réellement. C’était une malédiction. Par deux fois il avait commis une grave erreur. Par deux fois il avait causé la destruction de son armée. Et maintenant, il devait vivre avec ces deux échecs, incapable de s’échapper dans la mort, condamné à être éternellement hanté par la voix de ceux qu’il a tués. Tant de hurlements, impossibles à compter.

Jack commença à marcher, sans jamais se retourner. Trop effrayé pour oser regarder derrière lui. Il trouva une forme de rédemption en parcourant les plans, aidant tous ceux qu’il pouvait. Pour chaque vie qu’il sauvait, pour chaque être dont il améliorait l’existence, une des voix hurlant dans sa tête disparaissait. Il devint un voyageur, un baroudeur. Jusqu’à ce qu’il me rencontre. Il n’a jamais accepté de me dire son âge, mais à en juger par le nombre d’histoires qu’il a à raconter, je pense qu’il a vagabondé pendant plus de deux cents ans. Il vécut de nombreuses aventures, mais aucune suffisante pour racheter ses erreurs. Il fit la promesse de ne plus jamais s’impliquer dans la grande bataille. Je pense qu’il a aussi passé un certain temps à chercher Elrara, pour au moins réparer cette erreur. Mais après avoir semé chaos et destruction une année entière, le dragon avait disparu sans laisser de trace. C’était insuffisant, tant que Jack ne verra pas son cadavre, il restera responsable pour tous les meurtres qu’il pourrait commettre. Ceci était la dernière histoire que je devais vous raconter avant de commencer le récit qui unit tous ces personnages et moi-même. Je ne peux qu’espérer que vous soyez prêt. Ce qui va suivre mettra au défit votre perception du bien et du mal et vous laissera sans nul doute changé, comme ce fut mon cas.


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