Le harcèlement ne dure jamais
- lorkhanponey
- 1 mai 2017
- 5 min de lecture
Dire que mes souvenirs de l’école sont mauvais serait un euphémisme similaire à celui de dire que Hitler n’aimait pas les juifs. Oui, je suis allé sur ce terrain, j’ai plus peur de rien. Peut-être que vous allez dire que c’est une légère exagération, mais croyez-moi, de là où je me tiens c’est pas le cas du tout. Mais laissez-moi vous parler un peu de moi. Mon histoire vous paraitra peut-être amusante, mais je peux vous assurer qu’elle ne l’est pas. Pas du tout.
Je suis un garçon, pour commencer. Je suis roux, avec quelques taches de rousseur. J’ai les yeux marrons. Je ne suis pas très sportif mais je suis assez intelligent. C’est pas ma faute, j’aime étudier. Apprendre de nouvelles choses me procure un plaisir que je ne trouve nulle part ailleurs. Je tourne un peu autour du pot, mais disons que je suis un intello. Et certains de mes camarades moins avancés intellectuellement ont tendance à m’en vouloir pour cette raison unique. J’admets volontiers que de base je ne m’habillais pas très bien. Mais à ma décharge, à une époque je faisais des efforts. J’ai dut arrêter quand les moqueries de mes camarades sont passés des insultes aux coups, aux lancers de boue, aux bousculades à cause desquelles mes vêtements se retrouvaient soit salis, soit déchiré. Sans parler du fait que je n’avais pas beaucoup de vêtements à la base, quand ils se sont tous retrouvés déchirés, bien s’habiller est devenu impossible. De nouveau ce n’était pas ma faute, mes parents sont relativement pauvres. Je devrais d’ailleurs surtout parler de ma mère, vu que, mon père, je le vois une fois par mois. Et pourtant, mes parents ne sont pas divorcés : « ça sert à rien de remplir tous ces papiers. On va juste se séparer un petit peu pour voir comment ça se passe. » C’est ce que mon papa a dit à ma maman il y a 3 ans. Depuis, pas d’améliorations sinon qu’il garde tout son argent pour lui. Donc ouais, j’ai une vie de merde. Mais attendez, je ne suis pas encore entré dans le détail de ce que mes camarades adorés m’infligent régulièrement. Alors accrochez-vous, je vous emmène dans mon cauchemar quotidien.
Il n’y a pas vraiment d’ordre chronologique. Tout ce que je m’apprête à vous décrire peut m’arriver à n’importe quel moment de la journée selon le lieu dans lequel je me trouve. Commençons par les toilettes, d’accord ? Depuis maintenant 2 ans, je n’ai pas réussi à sortir une seule fois des toilettes de l’école sec. Je m’explique, quelqu’un de ma stature ne peut pas tenir plus de 6 heures sans soulager sa vessie. Et encore, ça tient du record. Je suis donc obligé d’aller aux toilettes, là où se trouvent très souvent les grands en train de déconner entre eux. Dès qu’ils me voient arriver, les humiliations commencent. La tête dans les toilettes, le froc baissé avant qu’ils me balancent dehors. Avant ils me forçaient à me faire pipi dessus, mais les professeurs sont intervenus. C’était trop voyant, alors mes tourmenteurs ont dû m’autoriser à faire pipi. Ça ne les empêchait pas de m’humilier à côté, mais au moins je pouvais me soulager à peu près tranquillement. De temps en temps, ils poussaient un peu le bouchon en me scotchant aux toilettes. Pour une raison qui m’est obscure, l’agent d’entretien qui me trouve toujours dans cet état se contente de me libérer en ronchonnant sur la jeunesse de nos jours mais ne fait rien d’autre.
Ça c’est pour les toilettes, mais c’est loin d’être tout ce qu’ils me font subir. A titre d’exemple, ils aiment beaucoup me tirer dessus avec des ballons. Ça donne un bon entrainement pour leurs matchs de foot, et ça ne laisse pas trop de marques. Par contre, ça fait vachement mal. Mais faut voir le bon côté des choses, c’est toujours mieux que quand ils me tabassent purement et simplement. Faut leur reconnaître un truc quand même, ils touchent jamais le visage. Ils ne sont pas assez stupides pour me faire des marques visibles. Par contre, pour tous les endroits dissimulés par mes vêtements, ils se gênent pas. A plusieurs reprises ils m’ont forcé à me déshabiller pour marquer des obscénités sur mon corps à coups de feutres permanents. Humiliant oui, mais pas douloureux. Du moins pas physiquement, faut avouer que moralement, je le prends plutôt mal. Oh, un truc que j’aime beaucoup aussi (façon de parler évidemment), c’est quand ils me scotchent à un skate et qu’ils le font partir dans des escaliers. Au passage, je devrais préciser que le scotch est toujours le mien. Ils me forcent à en racheter régulièrement. Ah, je finirais par dire que le repas est un moment particulièrement intéressant selon les jours. Soit je mange rien parce que les autres élèves m’ont tout pris. Soit je mange plein de trucs parce que les autres élèves me font bouffer tout ce qu’ils aiment pas.
Donc ouais, ma vie à l’école a pas été joyeuse. Et vous savez ce qui m’as permis d’avancer ? De supporter toutes les souffrances ? Ce qui m’a permis de surmonter tout ce qui m’est arrivé, c’’est d’imaginer le futur, quand je serais grand et eux aussi. Quand mes bonnes notes m’auront permis de devenir patron et que tous ceux qui m’ont martyrisé seront mes esclaves. Et aujourd’hui, ce jour est arrivé. L’un de ceux qui me retrouvaient régulièrement aux toilettes est venu dans mon bureau aujourd’hui, me demandant une augmentation. Aussitôt, j’ai sauté de joie intérieurement. Imaginant toutes les souffrances que je pourrais lui faire subir maintenant que j’étais son patron. Et lui, il s’est contenté de me saluer amicalement. Me félicitant de ma réussite depuis l’époque où on était dans la même école. Le pire, c’était son regard. Il n’avait que de la sympathie envers moi, comme s’il avait oublié tout ce qu’il m’a fait. Alors j’ai fait preuve d’un instant de faiblesse, et je lui ai accordé son augmentation. Il la méritait de toute façon.
Plus tard, j’ai appris que la vie s’était occupée de le punir à ma place. Il avait fait un mauvais mariage, aboutissant à un divorce le forçant à verser la moitié de ses revenus à son ex-femme. Il est obligé de vivre dans un immeuble miteux, avec un propriétaire abusif qui refuse de réparer la plomberie qui déconne. Même dans sa propre famille, son père est décédé d’un cancer ce qui a fait entrer ce qui a conduit sa mère à une dépression. Il part s’occuper d’elle tous les week-ends, au mépris de son propre repos. Il a fait de ma vie d’écolier un enfer, mais ce n’était pas à moi de me venger. Si je l’avais fait, si j’avais accompli tout ce dont j’ai rêvé pendant toutes ces années, je serais devenu infiniment pire que lui. Alors j’ai choisi de l’aider, en commençant par lui accorder son augmentation. Je ne lui ai pas spécialement pardonné pour tout ce qu’il m’a fait subir, mais j’ai décidé que je ne devais pas laisser le comportement qu’il avait avec moi quand nous étions petit affecter mes actions aujourd’hui. En fait, je ne devrais laisser le comportement de personne affecter mes actions, je pense que c’est comme ça qu’on devient une bonne personne. Et c’est tout ce que je veux devenir.
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