Une histoire de pont
- lorkhanponey
- 24 avr. 2017
- 4 min de lecture
Il était une fois un pont qui reliait 2 villes. L’une était riche, verdoyante, semblable à un paradis sur terre. L’autre semblait renfermer toute la misère que la première avait rejetée. Elle était sombre, puante et abîmée. Ses habitants ne rêvaient que d’une chose : atteindre la ville voisine. Mais le pont était jugé comme trop dangereux pour être traversé. Il était tellement long qu’on ne pouvait le voir entièrement à l’œil nu. Pourtant il était si étroit qu’on ne pouvait s’y engager qu’une personne à la fois. Il était si vieux, que personne ne savait vraiment qui l’avait installé, mais son âge se voyait à son état. Complètement délabré, c’était à la base un pont de corde dont les planches rongées par le temps avaient commencé à tomber. Les trous qui parsemaient ainsi toute la longueur visible n’étaient pourtant pas le danger le plus important. Car parmi les planches encore présentes, certaines voire la plupart menaçaient de s’écrouler à la moindre pression. Le seul élément qui semblait avoir résisté aux affres du temps était la corde elle-même. Mais il était impossible de savoir si elle était dans cet état jusqu’au bout, et si elle lâchait alors que quelqu’un était en train de traverser, le pont entier s’effondrerait. Alors les habitants de la ville misérable se tenaient devant le pont, observant les lumières mirobolantes de la cité des merveilles de l’autre côté. Jamais ils n’osaient traverser.
Jusqu’au jour où une jeune fille, élevé dans la misère, décida qu’elle aussi méritait le bonheur qu’elle voyait de l’autre côté du gouffre. Alors malgré les avertissements de ses amis, de ses amis, elle s’engagea sur la première planche. A peine avait-elle pris appui dessus que le bois se brisa en 2, faisant passer sa jambe à travers. Aussitôt, son père tandis sa main pour qu’elle puisse faire demi-tour. Mais sa fille, au lieu d’accepter son aide, s’appuya sur la deuxième planche pour se relever. Celle-ci tint bon et lui permit de continuer à avancer. Dès lors elle fut extrêmement prudente, avançant comme si elle voulait marcher sur des œufs sans les casser. Des deux mains elle agrippait les cordes de chaque côté pour s’assurer de ne pas tomber si le sol se dérobait de nouveau sous ses pieds. Elle n’avait fait que quelques mètres, mais déjà en se retournant elle ne pouvait plus voir les habitants de sa ville, dissimulé qu’ils étaient dans un étrange brouillard. Elle se repentit vite de s’être retourné lorsqu’elle dérapa dans un trou et se retrouva suspendu au-dessus du vide. Il lui fallut toutes ses forces pour se hisser et pouvoir de nouveau avancer normalement.
Elle était maintenant déjà fatigué et regrettait d’avoir tenté la traversée. Mais elle refusait d’abandonner, elle allait continuer peu importe la difficulté, jusqu’à arriver de l’autre côté. Alors elle avança, malgré les difficultés. A plusieurs reprises elle dût sauter par-dessus des trous faisant la largeur de 2 ou 3 planches. C’était dur, mais pas impossible. Après le 3ème saut de ce genre, ce qu’elle craignait arriva. Le bois sur lequel elle attira se brisa sous son poids. Comme elle avait sauté à 2 pieds, elle tomba entière sans avoir le temps de se rattraper aux cordes solides, elle fut obligée d’agripper la planche suivante. De nouveau suspendu au-dessus d’une mort certaine, elle savait qu’elle devait remonter encore plus rapidement que les fois précédentes. Par le bois craquait sous ses doigts, et s’il lâchait à cet endroit, elle n’aurait absolument aucun moyen de se rattraper. Alors elle mit toutes ses forces, puisant dans une puissance qu’elle ignorait avoir pour soulever une nouvelle fois tout son poids et se coucher sur le pont. A peine avait-elle fini sa manœuvre que la planche se brisa définitivement. Perdant une partie de son appui, elle dut compenser pour ne pas tomber de nouveau et elle se releva rapidement pour être de nouveau debout. Là, elle s’aperçu de la précarité de sa situation. Elle se tenait sur une planche seule qui déjà faisait mine de céder. Devant elle se trouvait un trou qui semblait gigantesque. Un étrange brouillard empêchait de voir ce qui se trouvait à plus d’un mètre devant elle. Derrière, le trou qu’elle avait elle-même agrandi en sautant était beaucoup trop large pour être traversé. Les craquements se firent plus fort, de désespoir elle sauta en avant, à l’aveugle.
Elle atterrit sans problèmes, mais elle savait qu’il restait de trop nombreux obstacles. La purée de pois était de plus en plus épaisse, l’empêchant de voir ne serait-ce que ses pieds. Elle ne pouvait plus aller qu’en avant, alors elle fit un pas dans l’inconnu, puis deux, puis trois. Lentement, elle progressait. Maintenant qu’elle ne pouvait plus voir ce qui se trouvait à ses pieds, elle se concentrait sur son objectif. Derrière le brouillard, elle commençait à distinguer les lumières de la cité. Inconsciemment, elle accéléra le pas, avançant avec aise malgré les obstacles toujours présent. Elle enjambait quand il le fallait, elle sautait si nécessaire et ne restait jamais assez longtemps sur une planche pour la faire craquer. La traversée de ce pont qui paraissait si difficile au début semblait maintenant relever du réflexe. Elle était trop occupée à fixer son objectif pour faire attention à tout ce qui aurait pu lui faire obstacle, et bien vite elle fit un pas sur la terre ferme. S’arrêtant net lorsqu’elle sentit le changement de surface, elle observa autour d’elle. Le pont qu’elle venait de traverser semblait encore plus délabré de ce côté, et ça lui semblait maintenant impossible qu’elle ait réussi à le traverser. Plus bizarre encore, de l’autre côté elle pouvait voir une ville lumineuse. Qui ne ressemblait en rien à ce qu’elle avait quitté. Pourtant, devant elle se trouvait toujours la cité merveilleuse. Elle se trouvait au bon endroit, c’était une certitude. Après avoir jeté un dernier regard en arrière, elle entreprit de se rendre d’un pas joyeux vers la nouvelle vie qui l’attendait. Elle avait surmonté tous les obstacles du pont, et maintenant elle avait enfin le droit au bonheur.
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