Le départ d'un frère
- lorkhanponey
- 19 avr. 2017
- 4 min de lecture
Il était une fois 2 frères jumeaux identiques en tout point. Tout dans leur apparence était similaire, la coupe de cheveux, la couleur des yeux, le teint de la peau. Ils insistaient pour porter systématiquement les mêmes vêtements, quand l’un d’un d’entre eux abîmait le sien, l’autre le reproduisait à l’identique. Ils étaient tellement semblables que leurs parents étaient tout simplement incapables de les différencier. Et il était tout à fait impossible de lutter contre leur volonté de se ressembler en tout point. Leur père avait essayé pour la dernière fois le jour de leur 10ème anniversaire en leur offrant à chacun une gourmette portant leurs prénoms respectifs : Ben et Benjamin. Pour faire plaisir, ils acceptèrent de le porter mais à l’envers, du côté qui était identique chez les deux.
Ils étaient inséparables, faisaient tout ensemble. Ils se confiaient mutuellement leurs secrets les plus intimes, se parlant de choses qu’ils ne partageaient avec personnes d’autres. Mais ce jour particulier, Ben eut un petit peu plus de réflexes que son frère. Ils étaient en train de jouer dans leur rue, quand une voiture a surgi brusquement. Elle aurait pu les faucher tous les deux si Benjamin n’avait pas été poussé hors du chemin par son jumeau. Le conducteur ne s’est même pas arrêté. Ils avaient toujours été semblables, mais cette fois l’un des 2 épandait son sang sur le goudron et l’autre ne pouvait que regarder, pétrifié, en attendant que ses parents viennent l’aider.
Au début, il refusait de croire qu’il était maintenant seul. Chaque fois qu’il passait devant un miroir, à chaque fois qu’il voyait son visage, il croyait que son frère était revenu. Bien sûr, il comprenait rapidement que c’était faux. Il adressait quand même la parole à son reflet. C’était sa manière de gérer son chagrin. Mais un jour, son jumeau lui répondit. Ils étaient dans la salle de bain, Benjamin se tenant devant le miroir. Et de l’autre côté, Ben avait répondu. « Je suis bloqué. » lui dit-il. Mais le garçon refusait d’y croire. Il avait pris trop de temps à se faire au fait qu’il était seul, maintenant ça ? Il hallucinait probablement, mais au cas où, il continua la conversation : « Où es-tu ?
Je sais pas. Il y’a d’autres petits garçons comme moi. Et des filles aussi. On est tous perdus.
Non, arrête. Je t’ai vu mourir. Tu ne peux pas exister.
Pourquoi pas ? J’ai toujours été avec toi. Ne me dis pas que tu m’as déjà oublié. Et d’ailleurs, pourquoi est-ce que tu crois qu’une voiture peut me tuer ? Je ne peux pas mourir, sauf si c’est ce que tu veux. Est-ce que tu veux que je meure ? »
Sans prévenir, Ben sortit sa main du miroir pour agripper son frère par le coup. Benjamin, pris de panique, fit de son mieux pour se débattre, sans pour autant essayer de frapper son assaillant. Ça n’avait aucun sens, mais il existait toujours une chance que ce soit vrai. « Lâche moi, tu me fais mal ! ». Répondant à sa demande, la main le relâcha si brusquement qu’il retomba sur ses fesses. Quand il se releva, son reflet avait disparu. « Ben, où es-tu ?
Je vais voir papa et maman. Eux ils pourront m’aider.
Non, attends ! »
Sans l’écouter, son frère se dirigea vers le salon. Mais en arrivant il s’arrêta net devant la porte. A l’intérieur, leurs parents regardaient de vieilles photos de Benjamin en évoquant un sujet qu’ils auraient dû évoquer avec plus de discrétions : « Tu te souviens de Ben ?
S’il-te-plait, ne m’en parle pas. Il y a cru pendant tellement longtemps, j’ai cru qu’on devrait le faire examiner par un psychologue.
Qui aurait cru qu’une expérience de mort imminente serait suffisante pour le faire disparaître ?
Ne plaisante même pas avec ça, notre fils unique aurait pu mourir. »
C’est tout ce que les deux jumeaux écoutèrent avant que Ben ne parte en courant vers leur chambre. A l’intérieur, Benjamin trouva son frère en train de pleurer sur le seul lit de la chambre. Le garçon commençait à réaliser certaines choses. Un seul endroit pour dormir, la discussion de ses parents, et surtout le fait que Ben était sorti du miroir alors qu’il était censé y être coincé. Benjamin n’avait jamais été doué pour inventer des histoires cohérentes jusqu’au bout, et c’était la même chose pour son frère. Mais à le voir comme ça, pleurant, il commença à se demander si le personnage qu’il avait créé était conscient de n’être rien de plus que le fruit de son imagination. Et s’il ne le savait pas, comment dire à un ami imaginaire qu’il n’existe pas ? Benjamin commença ainsi : « Je suis désolé.
Pourquoi ? Tu les as entendus, ils pensent que je n’existe pas. Je suis dans ta tête, juste le fruit de ton imagination débordante ! Et parce qu’une voiture a failli te tuer, t’a arrêté de croire en moi ? Je croyais qu’on était frères ?
C’est vrai, on est frère. Mais je suis désolé, tu n’existes pas.
Désolé, mon œil ! T’es la seule personne qui peut me rendre réel, alors t’es le seul qui peut me faire disparaître. Tout ça, c’est ta faute !
… C’est vrai. Mais je suis pas obligé de le faire.
Comment ça ?
Si tout ce que tu me demandes, c’est de croire en ton existence. Je veux bien faire ça pour toi.
C’est vrai ? Tu serais prêt à croire en quelque chose alors que tu sais que ça n’existe pas ?
Si j’y crois, y’a toujours une chance que ça existe pour de vrai. Comme le père noël. Je sais que je grandis, et que je suis censé ne plus croire dans les contes de fée. Mais c’est à moi de choisir. Et moi j’aime bien la magie. »
Et ainsi ils restèrent ensemble pendant encore longtemps. Ben se faisant plus discret, il était toujours là lorsque son frère avait besoin de lui. Prêt à prendre les devants pour le défendre. Et un jour, le plus naturellement du monde, il disparut. Pas parce que son frère avait arrêté de croire, mais parce que lui était prêt à partir vers ce qui l’attendait ensuite. Quoique ça puisse être.
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