La porte close

Il était une fois une porte fermée. Personne ne savait où elle menait, ni même qui l’avait placé à l’entrée de cette montagne. Les premiers voyageurs à l’avoir découverte tentèrent de l’ouvrir sans succès. Ils voulurent ensuite la forcer mais échouèrent. De retour dans leur pays, ils racontèrent l’histoire de cette porte qui refusait de s’ouvrir. La légende grandit à chaque fois qu’un nouveau conteur la partageait, et finalement elle atteignit l’oreille du roi du pays. Celui-ci fit appel aux meilleurs serruriers de son royaume et des pays voisins. Aucun ne fut en mesure de l’ouvrir. Il envoya les hommes les plus fort pour la forcer, mais la porte demeurait fermée. Finalement, il décida de proposer une prime pour quiconque parviendrait à l’ouvrir. Promettant jusqu’à 5 fois son poids en or à celui qui dévoilerait ses secrets. Mais nul ne parvint à faire bouger la porte pendant des années.

Un jour, un enfant d’une ville proche vint s’asseoir devant la porte. Il lui dit ceci : “tout le monde veut t’ouvrir pour savoir ce que tu caches. Moi je pense que tu ne veux pas t’ouvrir parce que t’as pas de secrets à cacher. Moi j’en ai plein, tu veux que je te les dise ? Faut que tu promettes de les garder pour toi.” Le garçon dévoila absolument tout ce qu’il avait sur le cœur. Puis, il partit en remerciant la porte. Le temps passa et plusieurs fois le jeune enfant revint pour dévoiler ses nouveaux secrets. De temps en temps, quelqu’un venait pour chercher une ouverture, sans succès.

En grandissant, le garçon devint curieux lui aussi. Mais il ne voulait pas forcer sa plus vieille amie, il finit donc son discours habituel en disant : “si un jour tu veux partager un de tes secrets, je serais là.” Les années passèrent, le garçon grandissant venait de moins en moins souvent, mais il finissait toujours ses monologues par la même phrase. Il n’allait pas se laisser décourager par le silence de marbre de la montagne, ni par les villageois qui le surnommèrent : “le fou de la porte close.” Un nom particulièrement long à prononcer avec lequel il apprit à vivre.

Le jeune homme devint vieux. Les voyages se firent plus difficiles et il avait de moins en moins de choses à dire : “J’espère que je serais toujours là si un jour tu veux partager tes secrets.” Il s’apprêtait à partir quand la porte s’ouvrit. Le vieil homme sourit et accepta l’invitation. L’ouverture se referma sur lui. La légende raconte qu’il est toujours à l’intérieur, en train de discuter. Les villageois qui passent à côté racontent qu’ils entendent parfois des rires provenant de derrière la porte, comme de vieux amis partageant leurs histoires.