Les histoires d'un vieil homme

Quand j’étais petite, j’ai rencontré un homme étrange. Il était grand et fort, et il racontait des histoires incroyables. Il disait par exemple, que lorsque la terre s’était refroidie, il avait volé une partie du feu des Enfers pour le donner aux hommes. Une autre fois, il m’expliqua comment il avait accroché le soleil à notre planète pour qu’il nous éclaire de sa lumière jusqu’à la fin des temps. Moi, j’ai grandi émerveillé par ses histoires, à la frontière entre la réalité et le rêve. J’ignore si c’était vrai, mais cet homme, comme tous les hommes, a vieilli. Et maintenant, il arrive à la fin de son voyage. Et ça me rend triste. Alors j’ai décidé de lui faire un cadeau. Dans ses histoires, une résonnait dans mon cœur plus que les autres. Elle racontait une aventure, à travers les océans, jusqu’à l’autre bout du monde. Une immense traversée pour arriver à une petite île, flottant dans les airs. Une île disait-il, où il avait rencontré l’amour. Non pas d’une seule personne, il parlait sans cesse de l’amour de la vie. J’ignore si c’était vrai ou juste une expression poétique, mais si je pouvais lui offrir un présent, pour le remercier de toutes ses histoires, j’allais le ramener sur cette île. Ou au moins essayer.

Vous devez me croire fou de me lancer dans un voyage vers une destination dont j’ignorais même si elle existe. Mais pour mon plus vieil ami, au propre comme au figuré, j’étais prêt à croire. Notre odyssée démarra sous un ciel vide de nuage. Mais la mer a autant d’émotions que l’homme et nous fûmes bien vite pris dans sa colère. Très vite, je fus prise de panique, m’emmêlant dans les cordes, incapable de contrôler mon bateau. Alors, le vieil homme prit la barre et guida notre petit embarcadère à travers des vagues jusqu’à 5 fois plus grande que nous comme si elle n’était même pas là. A cet instant, il n’était plus vieux, il était magnifique. Retrouvant toute sa gloire de jadis. J’aime à penser que je l’ai aidé à atteindre ce résultat, mais pour être honnête, je serais morte 20 fois au cours de ce voyage, s’il n’avait pas été là pour moi.

Enfin, après 22 jours de périples mortels, nous la vîmes enfin dans toute sa gloire. L’île dans le ciel. Elle était juste là, devant nous. Nous n’avions qu’à lever les yeux. Mais le problème était là, l’île flottante était hors d'atteinte, haut dans les nuages. Le vieil homme était fatigué par le voyage. Si je devais trouver une solution, c’était maintenant. Mais comment ? Alors que je contemplais l’impossible que constituait le fait de s’envoler avec le bateau, mon vieil ami s’approcha en souriant, tenant dans ses faibles mains un coffre en bois. Il me le tendit, et je l’ouvris. A l’intérieur se trouvait un coquillage pourvu d’un bec. Sur son instruction, je soufflais dedans. Un son mélodieux s’échappa alors, envoûtant. Pendant quelques instants, rien ne se passa, mais je vis le vieillard se cramponner, me suggérant de faire de même. Soudain, dans une explosion fracassante, le bateau tout entier fut projeté dans les airs. Nous fîmes ainsi le chemin jusqu’à l’île où notre bateau fut rattrapé par des créatures ailées, telles des anges débarquant des cieux. Ils nous portèrent jusqu’à l’entrée de l’île merveilleuse.

Aussitôt avais-je posé le pied sur le sol, l’atmosphère féérique m’emplit d’un bonheur que j’ignorais possible. La faune et la flore arborait toutes les couleurs de l’arc-en-ciel dans une harmonie divine. Très vite, nous fûmes accueillis par les habitants. Des hommes comme vous et moi, des élus des dieux. Nous restâmes sur place une semaine durant, tandis que je découvrais les joies de ce lieu, mon vieil ami les redécouvrait. Et sur son visage, on pouvait voir la joie et le bonheur de celui qui a enfin trouvé où il voulait mourir. Bientôt, je pris la décision de partir, seul. Ce fut mon dernier cadeau, à un très bon ami. Le voyage se déroula calmement, bercé par les souvenirs de cette île que je n’oublierai jamais. Et peut-être que moi aussi, j’y retournerai. Je suis vieille maintenant, et je raconte aux enfants du village les mêmes histoires qui m’ont été contées. Et je sais maintenant qu’au moins un de ses contes est vrai. Peut-être que les autres aussi ?